mardi 3 février 2015

Pensez-vous que la région Asie- Pacifique sera demain un pôle géopolitique majeur ?

INTRODUCTION

            Autrefois, le navigateur Fernand Magellan l’avait surnommée « le Grand Océan ». En  effet, L’Asie Pacifique est une zone aux limites floues en ce sens que les océans constituent un milieu pour les échanges, plus qu’une frontière. Située approximativement entre 90° EST et 150 EST de  longitude , et entre 10° Sud et 60° Nord de latitude, couvrant à elle seule une part importante de la surface du globe, la région Pacifique est un immense espace d’îles et d’archipels où prévaut une histoire complexe faite de la rencontre sur place des deux grandes civilisations : celle de l’Inde et celle de la Chine, puis la rencontre des deux grandes religions universalistes à savoir l’Islam et le Christianisme. Le brassage des populations a généré un ensemble aussi divisé et plus varié encore que ne peuvent l’être les Balkans ou l’Amérique Centrale. Les influences extérieures y ont déposé tant de « Couches » qu’il faudrait un travail proche de celui du géologue pour en distinguer tous les éléments.
            Si on se restreint aux multiples archipels qui parsèment cette immensité, la superficie des terres émergées est faible,  la population qui y habite est modeste et l’activité économique est négligeable. En revanche, si l’on englobe les pays riverains, la réalité stratégique est frappante.  En fait, les pays parmi les plus peuplés de la terre, les plus vastes, les plus puissants, les plus riches en matières premières, sont tous parties prenantes, et leurs territoires bordent les fonds marins les plus abondants en ressources naturelles. Parmi ces pays on cite, les pays d’Asie Orientale tels que la Chine, l’Inde, ou l’Indonésie.
              D’autre part cette immensité a rendu  longtemps difficile les contacts entres ses deux rives. Ainsi, l’Asie Pacifique est restée jusqu'à une date récente en marge du système monde. Cependant, depuis la seconde guerre mondiale, une évolution remarquable a renforcé la position des pays riverains du pacifique dans la production mondiale. En fait, la faiblesse de l’économie des pays asiatiques, ruinés par le conflit, et la crainte du communisme, qui s’est installé en Chine et qui progressait dans la péninsule Indochinoise, ont conduit les Américains, principaux vainqueurs de la guerre, à accepter la reconstruction de l’économie Japonaise et à beaucoup investir dans les autres pays de la région.           
La guerre de Corée fut à l’origine d’un « boom » économique spectaculaire notamment pour le Japon où il marqua le début d’une période exceptionnelle de « haute croissance » que les entrepreneurs japonais surent en prolonger et en amplifier les effets.
            C’est en partie la croissance Japonaise qui explique celle des pays voisins dans la mesure où le simple désir d’imiter son modèle, se doubla d’un processus de diffusion qui a d’abord affecté Hong Kong, Singapour, la Corée du Sud et Taiwan. Ces derniers sont devenus les nouveaux pays Industrialisés (N.P.I) ou « les quatre dragons d’Asie ». Puis, le développement a affecté une seconde génération de pays, où des régions entières se sont transformées rapidement notamment la Malaisie, la Thaïlande, les zones côtières de la Chine et à un moindre degré les Philippines et l’Indonésie. De ce fait, la croissance de la zone Asie Pacifique a été exceptionnelle dans la mesure où sa part dans l’économie mondiale est passée de 4% en 1960 à 28% en 1996. Ainsi, les observateurs présentaient la région comme le nouveau centre économique du monde et imaginaient déjà les Etats Unis se détournant de la veille Europe pour se consacrer à l’approfondissement de liens étroits avec les pays d’une Asie Pacifique triomphante.
            Toutefois, la crise monétaire de 1997 dont ont été victimes les pays asiatiques, a brutalement inversé la tendance. Dans ce cadre, certains spécialistes voient dans cet épisode le signe d’une extrême fragilité et annoncent désormais l’effondrement d’une région qui se serait développée trop vite et qui demeure exposée à d’autres dangers plus graves. Cependant, d’autres avancent que les difficultés rencontrées par les pays de la région sont conjoncturelles et ne devraient pas affecter durablement leur croissance.
            Dans cette optique, il est très judicieux de se demander si la région Asie Pacifique sera demain un pôle géopolitique majeur ?
            Même si la zone Asie Pacifique constitue une zone aux potentialités économiques prometteuses, il semble difficile de l’imaginer en pôle géopolitique majeur, au moins dans le court et le moyen terme, dans la mesure où un certain nombre de difficultés continuent à contrarier son essor notamment la divergence des intérêts des grandes puissances, l’absence d’un système multilatéral de sécurité collective accentuant les rivalités entre les principales puissances régionales émergentes, et surtout, la persistance de nombreux contentieux territoriaux  complexes qui fragilisent sa stabilité.
              L’examen des performances économiques de la zone Asie Pacifique d’abord, de la divergence des intérêts des grandes puissances ensuite, de l’impact de l’absence d’un système multilatéral de sécurité collective, et de la complexité des contentieux territoriaux enfin, permettront de justifier le bien fondé de ces propos.
I- Les Potentialités économiques :       
            Renfermant d’énormes potentialités humaines et naturelles, l’Asie Pacifique constitue une zone aux performances économiques prometteuses.
1- Les potentialités humaines :
                  En effet, l’Asie Pacifique constitue un réservoir démographique impressionnant. Ainsi, avec 60% de la population mondiale, cette zone est considérée comme une puissance démographique importante. De ce fait, la partie Nord- Est, englobant la Chine, les deux Corées, Macao, et Taiwan, compte à elle seule une population estimée à 1,5 milliards d’habitants avec une espérance de vie moyenne de 74 ans environ.
           De plus, la population d’Asie Pacifique se caractérise par les valeurs socio- culturelles propres à cette partie du globe. Aussi, malgré leur diversité et leur éloignement relatif, les peuples de ces territoires ont un sentiment d’appartenir à un même ensemble et à une même communauté au sein d’une région culturellement homogène. Fortement imbibées des valeurs confucianistes, les sociétés asiatiques sont composées de battants dont toute frustration est convertie en énergie pour le travail, le respect du groupe, la réussite et le refus de l’humiliation. Ces valeurs culturelles ont toujours fait de ces pays des porteurs d’une individualité affirmée, détenteurs d’une civilisation ancestrale, et lieu de rassemblement des populations capables de conserver les valeurs qui leur sont propres.
           Cette ressource humaine constitue, en effet, un atout fort appréciable pour une zone axée pleinement sur un effort de réoccupation de l’espace et d’appropriation d’un destin collectif de la part des peuples qui demeurent fiers de leur récent passé prestigieux, désireux de rattraper le temps perdu en vue de jouer un rôle majeur dans « la cour des Grands ».
2- Les richesses naturelles:
              D’autres part, l’Asie Pacifique demeure une zone riche en ressources naturelles.       
              En fait, la richesse la plus frappante serait, certes, pour un observateur non averti, les ressources halieutiques abondantes, mais la zone renferme également de gigantesques ressources minérales évaluées à 50% des réserves mondiales de gaz, de charbon et d’uranium, et à 21% de celles de pétrole. Elles se situent essentiellement en Australie pour la houille, les hydrocarbures, l’uranium, la beauxite, le fer, le plomb et le zing, aussi qu’en Papouasie Nouvelle Guinée pour le cuivre, l’or, l’argent et les hydrocarbures. De même dans le domaine de l’énergie et des combustibles, les pays d’Asie pacifique occupent une place prépondérante. Ainsi, à titre d’exemple, des pays moyens comme la Corée du Sud ont les capacités de production en énergie électrique estimées à 2338 milliard de KWH. La situation des autres métaux comme le Nikel, le cuivre, l’aluminium et le plomb, s’est nettement assainie depuis la fin de l’année 1999. Par ailleurs, d’après Franscisco Vergara, « un sursaut des produits industriels a surtout profité aux producteurs asiatiques ». De ce fait, tous ces éléments militent pour un retour en puissance de l’économie de la zone Asie Pacifique.
3- Le redressement économique :
             En effet, le retour en force de l’Asie Pacifique sur l’économie mondiale est inévitablement en voie.
             Dans cette optique, le célèbre économiste Thierry de Montbrial de l’Institut Français des Relations Internationales a stipulé en 1999 au sujet des pays de L’ASEAN, que la crise était « une entrée dans la période de correction ». De plus, les « Géants Blessés », d’après les termes de Jean Luc Domenach,  ont su résister au cyclone pour s’inscrire dans une croissance durable. La  Chine a su passer la période trouble de 1998–1999 et résister à la dépréciation de son Yuan. Quant au 2 ° géant, le Japon, il reste le premier créancier de la planète. Dans toute la péninsule, les indicateurs sont positifs avec un taux de croissance compris entre 0,9 % et 7,8 %. Quant au Produit Intérieur Brut, il se situe entre 3,3 et 3,8 milliards de dollars.
             A cet égard, l’Asie Pacifique est loin d’avoir perdu les moyens de rejouer un rôle prépondérant dans l’économie mondiale, surtout avec la nouvelle réceptivité à l’égard des diagnostics des économistes du Fonds Monétaire International, la création d’une zone économique exclusive et la création de nouveaux marchés. D’autres facteurs ne sont pas à négliger tels que le pragmatisme sur les nouveaux plans économiques, la maîtrise de certaines hautes technologies, notamment celles relatives à l’espace et au nucléaire, et les capitaux étrangers qui ont commencé à affluer sur la région depuis l’été 1999.
           Partant, possédant un potentiel humain dynamique, riches en ressources  naturelles et ayant résisté avec succès aux méfaits de la crise financière, les pays d’Asie Pacifique ont tous les atouts pour émerger sur la scène internationale. Toutefois, la divergence et l’opposition des intérêts des grandes puissances limitent leur épanouissement.
II- La divergence des intérêts des grandes puissances :
           La divergence des intérêts des grandes puissances empêche l’Asie Pacifique de s’affirmer en tant que pôle géopolitique majeur.
1- Le repli relatif des Américains:
La fin de la guerre froide a amorcé un repli relatif des Américains dans la région d’Asie Pacifique.
          En fait, l’effondrement de l’union Soviétique et du système bipolaire a ouvert en Asie Pacifique de nouvelles perspectives. Ainsi, les Etats Unis se trouvent aujourd’hui confrontés à une contradiction fondamentale entre leur volonté d’assurer la paix dans la zone- où les forces Américaines ont été réduites de prés de 20% par an depuis le début des années 1990-tout en préservant leur statut de superpuissance garante de la sécurité d’une région avec laquelle s’effectuent 37% de leurs échanges commerciaux.
          En dépit des déclarations répétées du président Américain sortant Mr Bill Clinton en faveur du maintien d’un certain niveau de force en Asie Pacifique, notamment lors de sa rencontre avec le premier ministre japonais Hashimoto en Avril 1996, les pressions diverses qui s’exercent sur la prise de décision en matière de politique étrangère et d’orientations stratégiques aux Etats Unis notamment des pressions budgétaires, morales ou économiques par l’intermédiaire du Congrès et des médias, font douter de la véritable volonté d’engagement des Etats Unis en l’absence d’une perception claire de menaces communes. Ainsi, l’ancien président de la République des Philippines, Mr Fidel Ramos a déclaré au mois de février 1997 que les Etats Unis devraient considérer comme une menace directe toute domination de la région par une seule puissance. En fait, de nombreux dirigeants en Asie Pacifique s’inquiètent, en particulier, de l’absence d’orientation stratégique clairement définies de la part des Américains alors que  les Chinois, de leur côté, dénoncent, de plus en plus ouvertement, le maintien dans la région d’une présence militaire américaine qui ne leur est plus d’aucune utilité depuis que la menace Soviétique a disparu.  Par ailleurs,  alors que depuis le début des années 1990, les débats se sont multipliés aux Etats Unis sur L’opportunité de maintenir une présence importante en Asie du Sud Est , le poids des  intérêts économiques semble l’emporter sur celui des intérêts stratégiques. C’est ainsi qu’en dépit de l’Alliance qui lie les deux pays , le Japon a longtemps fait figure de véritable menace. En fait, le Japon conforte sa position dans la zone Asie Pacifique au détriment des Américains aussi bien économiquement que stratégiquement.
Ainsi, économiquement, si les investissement cumulés des Etats Unis dans les nouveaux pays industrialisés Asiatiques étaient à peu près équivalents de ceux du Japon (10,6 milliards de dollars de 1994 à 1996 pour les U.S.A et 11,2 milliards de dollars pour le Japon), dans les Etats de L’ANSEA dont l’importance économique en Asie est croissante et le poids politique est essentiel, les investissements japonais pour la même période ont atteint 12,6 milliards de dollars, alors qu’ils ne dépassaient pas 8,2 milliards de dollars pour les Etats Unis.
            Les conflits économiques entre les Etats Unis alors en perte de vitesse et une puissance Japonaise particulièrement dynamique, se sont multipliés. Ainsi, le litige portant sur l’automobile a engendré la querelle la plus sérieuse de l’histoire des relations nippo- américaine. Bien qu’elle se rapporte à l’économie, cette dispute assez vive, a reflété la modification du statut international des Etats Unis et du Japon. Aussi, depuis qu’il est devenu un géant économique, ce dernier n’est plus un partenaire subalterne et peut contrarier les décisions américaines.
            De surcroît, stratégiquement, la réduction continue des forces américaines dans la région, qui sont passées de 135 000 hommes en 1990 à un plus de 100 000 aujourd’hui, vient étayer ce sentiment de flottement ; d’autant plus que d’autres réductions sont évoquées en cas de disparition d’un risque Nord- Coréen qui est loin de constituer la menace principale prise en compte par les gouvernements locaux, en dépit des déclarations officielles.
            En effet, l’engagement des Etats Unis en Asie Pacifique, est justifié par toute une série d’accords datant de la guerre froide, tombés pour certains d’entre eux en désuétude. C’est le cas en particulier de l’accord de 1951 conclu avec les Philippines depuis la fermeture des deux grandes bases de Clark et de Subic Bay en 1992, qui a abouti au retrait de toutes les forces américaines permanentes du théâtre Sud- Est asiatique. Le noyau dur de la présence américaine en Asie aujourd’hui, est constitué par les deux traités de sécurité signés avec le Japon en 1951 et avec la Corée du Sud en 1953, qui autorisent le maintien d’un réseau de bases concentrées en Asie du Nord - Est.
Par ailleurs, repoussée au delà de l’horizon, la VII flotte Américaine, qui reste l’élément essentiel de l’équilibre des forces dans la zone, compte sur ses capacités de projection pour gérer toute crise qui viendrait mettre en danger les intérêts américains et jouer le rôle dissuasif que l’on attend d’elle. La « gesticulation » navale lors de la crise de Taiwan, montre à l’évidence que les Etats Unis ne sont pas prêts à faire oublier leur puissance maritime tout en poursuivant, d’ailleurs, une action diplomatique continue, concrétisée par des accords bilatéraux avec la plupart des pays de la zone pacifique.
2- Le retour de la Russie:
D’autre part, la Russie essaye de consolider sa position dans la zone Asie Pacifique. En effet, l’effondrement de l’URSS ne doit pas faire oublier sa réalité asiatique. En dépit de ses problèmes actuels de toute nature, ainsi que des incertitudes qui pèsent sur son évolution politique, la Russie reste une grande puissance qui entend bien demeurer un acteur principal dans la région comme la géographie d’ailleurs l’y contraint. Depuis le début des années 80, Moscou a, en effet, manifesté un intérêt nouveau pour la région du Pacifique, qui a coïncidé avec le décollage économique spectaculaire de ses pays et le succès des premières réformes en Chine. En dépit de changements considérables, la nouvelle Russie a repris dans une certaine mesure les orientations de la politique étrangère de l’union soviétique Gorbatchevienne en Asie, caractérisées par une ambition de « diversification » et d’intégration économique dans la zone Asie Pacifique. En revanche, si Gorbatchev mettait l’accent sur la réorientation de sa politique asiatique en direction des puissances Japonaise et chinoise, la Russie d’aujourd’hui a, au contraire, la tentation de retrouver, aux côté d’une Chine dont la masse inquiète et d’un Japon très hésitant, un ancrage trop vite abandonné auprès de ses anciens Alliés d’Asie du Sud- Est ou du sous- continent Indien.
          En fait, stratégiquement, la Russie refuse tout monopole des Etats Unis dans le monde et plus particulièrement dans la région en réaffirmant le caractère « asiatique » de la puissance Russe. A cet égard, avec la perte des ports de la Baltique et de la Mer Noire, l’importance stratégique de l’Asie Pacifique ne pouvait, par ailleurs, que se trouver renforcée. En dépit de ses difficultés actuelles, Vladivostok reste un grand port d’accès aux mers chaudes, et la flotte du pacifique constitue désormais, en dépit de ses faiblesses, une part essentielle de la force de dissuasion de la Russie. Ainsi, si l’extrême- Orient russe reste encore souvent oublié d’un centre très occupé par ses propres difficultés, le sentiment de son importance stratégique ne peut être négligé. Aussi, la Russie souhaite- elle cultiver ses relations avec les pays de la région. Par ailleurs, la Chine constitue un élément essentiel de cette nouvelle « politique multidirectionnelle » de Moscou selon les termes du ministre russe des affaires étrangères. Pour la République Populaire de Chine, une Russie démocratique affaiblie et divisée, présente, en effet, moins de danger qu’une puissance soviétique dont le succès des réformes politiques aurait pu se révéler dangereux pour le pouvoir en place à Pékin.
Ainsi, mal intégrés dans un système mondial en pleine transformation, Moscou et Pekin sont tentés de réaffirmer leur puissance face à un monopole américain rejeté par les deux parties. Les rencontres au plus haut niveau, entre les deux pays, ont abouti à la signature lors de la visite de l’ancien président russe Mr Boris Eltsine au mois d’Avril 1996 d’une déclaration conjointe définissant un  « nouveau partenariat stratégique » entre les deux .
          En outre, économiquement, la collaboration Russo-Chinoise a permis à Moscou de trouver en Chine un débouché lucratif et bien venu à des ventes d’armes . De son côté, Pekin, soucieux de profiter de l’anarchie qui règne à Moscou dans les prises de décision, a pleinement exploité les possibilités d’acquisition offertes par la Russie pour améliorer les capacités de ses forces militaires, particulièrement en capacité de projection. Les ventes d’armes de la Russie à la Chine constituent ainsi plus de 40% des échanges entre les deux pays.
         D’autres part, pour bénéficier d’une intégration accrue dans la région Asie Pacifique, la Russie compte sur le Japon qui présente pour elle des atouts incontestables. En effet, en dépit du contentieux territorial sur les îles Kouriles, les deux pays présentent une réelle complémentarité.
En fait, le Japon est le seul pays en Asie, à disposer des capitaux nécessaires à la mise à niveau infrastructurelle de régions comme celles de l’Extrême- Orient Russe, et son intégration dans la portion la plus dynamique et la plus développée de la zone Asie Pacifique. Dans ce cadre, dans une étude publiée en 1996, le MITI estimait que 300 milliards de dollars seraient nécessaires pour développer celui- ci avant l’an 2010.  En revanche, les matières premières, particulièrement énergétiques, offertes par l’Extrême Orient Russe, présentent un attrait essentiel pour un Japon très dépendant dans ce domaine.
        De plus, face à l’occident, la Russie ne cesse de déclarer son ambition de conserver son rang de puissance dans le nouveau système mondial. De ce fait, elle n’est pas prête à renoncer à sa présence en Asie Pacifique. Dans cette perspective, elle réaffirme, sans avoir pour le moment les moyens de les mettre à exécution, ses ambitions navales en mer de Chine du Sud en tant que force d’équilibre. Par ailleurs, après s’être trop rapidement éloignée de ses anciennes alliances, la Russie, avec des moyens amoindris, tente de renouer des liens plus étroits avec l’Inde et le Vietnam, avec lesquels de nouveaux traités d’amitié ont été signés en 1993 et 1994. La participation Russe au Forum de sécurité de l’ANSEA s’inscrit dans la même logique.
3- L’émergence d’une Australie influente:
        De même, l’Australie tente de renforcer sa prédominance dans la zone d’Asie pacifique.  En effet, plus de cent ans et jusqu’à une date récente, l’Asie Pacifique a été pour l’Australie un ailleurs qui leur inspirait des sentiments indécis. L’Asie est demeurée une menace militaire réelle ou potentielle qui s’est manifestée clairement pendant la seconde guerre mondiale et lors de la seconde guerre d’Indo-Chine qui ont accentué l’image d’une Asie, région de tous les dangers. Seulement, bien que les Australiens se soient habitués à considérer leur Nord comme une région instable et militairement menaçante, l’espoir d’y trouver une source de débouchés économiques intéressants, a toujours été présent dans la conception des milieux politiques. Ainsi, dés le début des années 1950, l’Australie a commencé à nouer d’importantes relations commerciales avec le Japon puis avec d’autres pays de la région avec qui s’effectue, actuellement 60% des exportations australiennes.
       En revanche, craintive de ses voisins asiatiques, l’Australie est restée constamment soucieuse et consciente de la nécessité de concrétiser son rôle régional en veillant à ses intérêts nationaux, particulièrement à ceux qui s’expriment sur ses frontières asiatiques. De ce fait, la seconde moitié de XX siècle a vu l’Australie basculer dans sa zone en prenant en main les rênes de son destin international et surtout régional.  En fait, la fin de la guerre froide a marqué celle des grandes protections extérieures garanties par L’ANZUS de 1952 et par L’OTASE  dissoute en 1974. Elle a imposé à l’Australie une nouvelle maturité en matière de relations extérieures. En outre, la mise sur pied  de l’Association des Nations d’Asie du Sud- Est en 1987, a montré la voie à une Australie qui, sans en faire partie, y voit une référence pour sa propre politique. Ainsi, elle présida en 1989 la création de l’Association Pacifique de la Coopération Economique (APEC) et s’investis dés 1994 dans le Forum Régional de L’ASEAN, qui s’occupe des questions de sécurité en collaboration avec les Etats unis et l’union Européenne.
     Le schéma général de la politique étrangère indique la volonté de l’Australie d’inscrire son action dans un cadre géopolitique régional pour mieux se protéger contre un environnement asiatique toujours perçu comme hostile. Ses relations bilatérales classiques, exprimées par des alliances notamment avec son voisin Indonésien, convergent vers le même objectif.
     Toutefois, si la place prépondérante de l’Indonésie dans la politique étrangère Australienne n’a jamais fait de doute, la fréquentation du grand voisin a toujours oscillé entre la curiosité et la prudence, surtout depuis la fin de la colonisation portugaise sur la province du Timor Oriental. En fait, les circonstances qui ont entouré le départ des Portugais et la main mise quasi immédiate de l’Indonésie sur l’ancienne colonie européenne dés le 07 Novembre 1795, restent incontestablement pour l’Australie une source d’irritation et de regret.
     Cependant, durant plus de vingt ans, elle n’a pas hésité à construire de véritables rapports de confiance et de partenariat avec l’Indonésie. Cette aventure bilatérale a connu son apogée le 18 Décembre 1995 lorsque les deux pays ont signé un accord de sécurité qui a été suivi de l’établissement d’une zone de développement Australie-Indonésie portant essentiellement sur le développement économique dans la région du Timor. De ce fait, par un tel accord, l’Australie a réussi à verrouiller la question de la sécurité régionale. Mais la question du  Timor Oriental était minorée par l’accord . Ainsi, des voies radicales dans le milieu politique contestaient l’accord.  Simultanément, une conséquence inattendue de la crise financière asiatique de 1997, va bouleverser les donnes géopolitiques de la zone. En effet, de 1998 à 1999, les gouvernements Indonésiens se sont succédés dans l’urgence alors que la contestation et le désordre régnaient. Le système politique Indonésiens avec lequel l’Australie avait longtemps composée, est soudainement en crise. Les relations Australiennes avec les pays d’Asie Pacifique ont pris un nouveau tournant, surtout avec la chute du régime du général Suharto.
     En fait, la part prise par l’Australie dans les événements qui ont  conduit au référendum sur l’indépendance de la province et son rôle majeur au sein de la force multinationale INTERFET, engagée sous l’égide de l’Organisation des Nations Unis, ont provoqué de vives tensions avec Jakarta.
    Toutefois, en intervenant au Timor- Oriental, l’Australie a-t-elle affirmé ou confirmé son rôle de principal acteur régional de la paix ? n’a-t-elle pas, au contraire, obéré ses chances de faire fructifier des années de patients investissements bilatéraux et multilatéraux dans sa zone d’influence ? Avec quel soutien américain, et avec quel degré de latitude, Canberra se trouve-t-elle,  désormais, installée dans un rôle de « gendarme » de la région ? sûrement, le masque de l’ambiguïté et du rapprochement forcé avec Jakarta, est tombé en 1999.
    Autant de questions sans véritables réponses. Non pas parce que, seul le recul du temps, pourra apporter les éclaircissements nécessaires, mais bien en raison de la nature même de la  politique étrangère australienne, toujours caractérisée par l’ambiguïté.
L’absence de menaces militaires ne signifie pas que l’Australie ne connaîtra pas de problèmes de sécurité dans la région. La brève énumération de ses sujets de préoccupation, suffit à faire comprendre à quel point l’avenir est totalement imprévisible, notamment sur l’éventualité d’une nouvelle agitation du côté de l’Indonésie ou de sa région. Ce qui signifie que les capacités de ceux qui ont en charge la politique étrangère australienne, auront souvent l’occasion d’être mises à l’épreuve.
            Ainsi donc, la divergence des intérêts des grandes puissances et l’opposition de leurs ambitions dans la zone, s’inscrivent parmi les principaux obstacles qui, alliés à l’absence d’un système multilatéral de sécurité collective et à l’acharnement des rivalités régionales, entravent l’émancipation de l’Asie Pacifique pour occuper une place prépondérante sur l’échiquier mondial.
III- Les rivalités des puissances régionales:       
 L’absence d’un système multilatéral de sécurité collective, accentue les rivalités entre les puissances régionales émergentes dans la zone.
1- Les limites de l’ANSEA:
            D’abord, à cause de ses nombreuses faiblesses, l’Organisation des Nations du Sud-Est Asiatique, s’est avérée incapable de garantir la sécurité et la stabilité dans la région d’Asie Pacifique.
            En effet, lors de la création de L’ANSEA en 1967, les pays fondateurs ne visaient qu’une coopération économique dans une zone de paix, de liberté et de neutralité (ZOPFAN). Cependant, en dépit des nombreux différends bilatéraux entre ses membres, il est devenu rapidement inévitable que l’organisation serait concernée par les questions de sécurité.
            En outre, la fin de la guerre froide a très rapidement fait prendre conscience aux pays membres de la nécessité d’engager l’organisation en tant que telle dans les problèmes et les différends régionaux de la zone, surtout avec les pays tiers. De plus, avec la fin de la division bipolaire et le règlement du conflit Cambodgien, L’ANSEA a pu s’élargir aux pays de la péninsule indo-Chinoise pour englober le Viêt-nam en 1995, le Laos et le Cambodge en 1997, alors que Myanmar (ex Birmanie) a acquis en 1996 un statut d’observateur.
            De même, L’ANSEA a acquis une dimension nouvelle et réellement globale par la création en 1994 du Forum Régional de L’ANSEA qui regroupe dix huit membres : les sept pays de L’ANSEA, leurs sept partenaires « du dialogue » à savoir l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Etats Unis, le Japon, la Nouvelle-Zélande, L’Union Européenne, auxquels s’ajoutent la Chine et la Russie, puis l’Inde qui est devenue associée à la réunion plénière de L’ARF dés Juillet 1996.
            L’existence et la composition du Forum Régional d’Asie mettent en évidence que la sécurité de l’Asie Pacifique ne s’inscrit plus dans une confrontation Est-Ouest. L’interdépendance en matière de sécurité de régions éloignées sur le plan géographique, est soulignée par la participation du Japon, de la Corée du Sud et de la Russie dans un Forum de sécurité parrainé par L’ASEAN. Ainsi, elle est devenue de fait la seule organisation de sécurité collective de la région, même si elle ne dispose encore d’aucune réelle structure, ni d’un quelconque moyen collectif, à l’image de L’O.T.A.N.
            Cependant, le Forum Régional d’Asie est aussi un aveu, de la part des Etats du Sud EST Asiatique, de leurs propres limites et de leur incapacité à assurer, seuls, la sécurité de leur région. Ses promoteurs ont compris qu’il n’était possible de garantir la stabilité de l’Asie du Sud- EST qu’en la liant aux évolutions plus au Nord du Pacifique.  Le Forum Régional d’Asie possède néanmoins ses propres limites. En effet, les Etats de L’ASEAN l’ont conçu comme un élargissement de leur propre association. Il n’est, en aucun cas, une organisation contraignante pour ses membres, mais seulement un Forum consultatif reposant sur un certain pragmatisme et quelques règles consensuelles, en apparence simples comme le règlement pacifique des conflits, le respect des souverainetés et la non ingérence.  Autre tentative d’assurer de manière collective la sécurité de l’Asie Pacifique, demeure la volonté des membres de L’ASEAN de faire de leur région un sanctuaire dénucléarisé. Ainsi, le 15 Décembre 1995 les représentants des sept membres de l’association, aux quels ont été associés le Cambodge, le Laos et  le Myanmar, ont signé le traité de Bangkok instaurant une zone dénucléarisée en Asie du Sud Est. Mais ce traité s’est heurté aux réticences et objections de la Chine et des Etats Unis.  Partant, L’ANSEA et son Forum qui sont des organisations de concertation, certainement fructueuses, n’ont pas réussi à convenir au règlement des deux points de conflit majeur du Nord- Est notamment celui de la Corée et de Taiwan. D’ailleurs, ni la  Corée du Nord,  ni Taiwan ne sont présents au Forum. De même, Elle n’a pas réussie à résoudre la crise récente du Timor oriental d’une manière pacifique.  De ce fait, la mise en place d’un système multilatéral de sécurité collective en Asie Pacifique, reste une tâche qui exige du temps et surtout une plus grande maturité politique de la part de l’ensemble des pays de la région.
2- Les rivalités Sino-Japonaises:
 Ensuite, le vide stratégique généré par la fin de la guerre froide et le retrait relatif des Etats Unis, a permis à la Chine et au Japon d’apparaître comme deux puissances rivales.  Concernant la Chine, depuis le début de la politique des réformes économiques et d’ouverture lancée par Den xiaoping, elle a connu un taux de croissance moyen de 10 % par an, dépassant 13% en 1993 et 11,5% en 1994. Ce progrès considérable des indicateurs économiques lui a permis d’asseoir les bases de son influence en Asie Pacifique sur des fondations plus solides que celles de la stricte idéologie.
            Dans ce cadre, stratégiquement, depuis le milieu des années 1980, la direction Chinoise a choisi de privilégier une logique d’apaisement de tension et d’intégration au système mondial, conditions  nécessaires à la poursuite du développement. Den xiaoping définissait alors la stratégie du pays comme une situation de paix à long terme qui n’excluait toutefois pas les risques de « conflits localisés de faible intensité. Cependant, avec la disparition de la menace Soviétique, la stratégie Chinoise dans la zone Asie Pacifique a connu une deuxième phase. En effet, les orientations nouvelles des années 1980 n’ont pas fondamentalement changé, mais les moyens nouveaux offerts par le développement économique pour l’armée Chinoise ainsi que le durcissement idéologique du régime, sensible depuis 1989, ont favorisé une orientation plus offensive des thèses développés précédemment. La logique de défense aux frontières a ainsi débouché sur une logique offensive d’acquisition de capacité nouvelle de forces sur le pourtour du territoire Chinois. Les objectifs de la stratégie militaire confiés à L’Armée de Libération Populaire, consistent à éliminer toute menace interne ou externe et à défendre un espace vital revendiqué comme chinois à l’intérieur de « frontières stratégiques » qui ne coïncident pas avec les frontières artificielles actuelles de la République Populaire de Chine.  Ainsi, libérée de toute menace sur la terre, surtout avec la disparition de la menace Soviétique, la Chine se tourne vers les mers. L’acquisition d’une capacité d’action de haute mer est en effet considérée à Pékin comme le véritable critère d’appartenance au clan des grandes puissances, et le symbole de l’affirmation de la puissance chinoise dans la région d’Asie Pacifique.
            Dans cette optique, les autorités chinoises ont adopté un plan stratégique de développement et de la modernisation des capacités de protection des forces, notamment celles des forces navales et aériennes. Dans ce contexte, elle s’est dotée en 1995 de 40 sous marins, alors que l’armée de l’air a été renforcée de 24 chasseurs Russes  qui s’ajoutent aux 26 avions déjà acquis en 1992.
           D’autre part, de leur côté, les Japonais tentent de se débarrasser des clauses d’armistice de 1945 qui limitent leur liberté d’action, afin d’affirmer leur présence dans la zone d’Asie Pacifique.  En effet, à la fin de la seconde guerre mondiale, la politique de défense japonaise a été solidement encadrée par l’article 9 de la constitution et par le traite de sécurité avec les Etats Unis. Le premier lui interdisait de participer à un système de défense collective, et le second le plaçait de fait sous la protection américaine, et ne lui reconnaissait le droit qu’à des forces d’auto défense très contrôlées.  Cependant, l’évolution de la situation durant la guerre froide et surtout, le spectaculaire décollage Japonais, l’amenant au niveau de la deuxième puissance économique mondiale, ont tous naturellement conduit ce pays à prendre de plus en plus en compte ses responsabilités dans la zone d’Asie Pacifique et dans sa dimension internationale. Ainsi, il a décidé en Mai 1981 d’étendre son périmètre de défense naval à  1000 milles marins. Puis, en Décembre 1986, il a abandonné le principe de limitation de son budget militaire à 1% de son P.N.B. Aussi, son budget de défense est-il devenu le deuxième du monde. Les forces armées Japonaises sont, et de loin, les premières de la zone et se caractérisent en particulier par le très haut niveau technique de leur équipement.
            En fait, avec la fin de la bipolarité, plusieurs raisons justifient ce réarmement. D’abord, la nécessité de paraître puissant face à  l’éventualité d’une réunification de la Corée, qui unie et forte, pourrait devenir un rival dans tous les domaines. Ensuite, la volonté de maintenir un équilibre avec une Chine qui cherche à affirmer sa puissance. Dans ce contexte, la conviction d’un Japon fort, aurait une influence dissuasive sur l’évolution du problème de Taiwan, sur la sécurité des voies de communication maritimes vitales pour son économie et sur une inévitable négociation avec la Russie pour la récupération des îles Kouriles.
De surcroît, jusqu’à nos jours, les forces Japonaises navales et aériennes, quoique très importantes, sont surtout équipées en vue d’assurer la surveillance et la défense, à l’exclusion de toute capacité de projection de forces notamment aéronavales. Il est certain qu’une accession de la Chine à de telles capacités par l’acquisition de porte-avions, risquerait fort d’amener le Japon à faire de même. Toutefois, outre qu’elle fragiliserait davantage l’équilibre de la zone, une telle décision risquerait fort aussi de réveiller dans les autres pays des souvenirs que les timides regrets officiels japonais n’ont pas complètement effacés, d’autant que, sans que l’on puisse parler d’une renaissance du militarisme japonais, on doit reconnaître qu’au sein même de la population, la conscience et la fierté de la réussite et de la puissance japonaise, n’ont pas manqué de créer un nationalisme sans complexe.
          C’est dans ce contexte qu’il faut évaluer l’accord américano-japonais signé par le président Clinton et le premier ministre Hashimoto le 15 Avril 1996 qu’on a surnommé « Alliance pour le XXI siècle » qui d’après le communiqué commun ne vise plus la seule défense du Japon, mais la stabilité régionale ». En fait, cet accord, qualifié par tous les spécialistes « d’événement le plus important depuis 1945 dans les relations Etats Unis- Japon », est une première entorse à l’article 9 de la constitution en définissant une véritable coopération militaire entre les deux pays. C’est aussi, la seule organisation militaire de la zone Asie Pacifique. Ainsi, le Japon n’est plus un acteur  passif se contentant d’accueillir les forces américaines (évaluées actuellement à   47 000 hommes dans l’archipel), mais il est devenus un partenaire à part entière susceptible de participer avec les  Etats Unis au maintien de la paix dans le pacifique.
3- Les rivalités Indo-Chinoises:
            Enfin, la zone Asie Pacifique demeure fragilisée par les relations antagonistes entretenues par la Chine et l’Inde depuis plus de trois décennies.
            En effet, au conflit territorial de 1962 portant sur la délimitation de la frontière entre les deux pays au Tibet, s’est ajoutée au début des années 1960 une rivalité idéologique. Ainsi, un an à peine après leur affrontement dans l’Himalaya, l’Inde et la Chine se sont retrouvées apparentées à chacun des blocs opposés de la guerre froide. En outre, l’asile politique accordé par l’Inde au chef spirituel Tibétain Dalai-Lama, a été un contentieux supplémentaire entre les deux pays. La rivalité entre l’Inde et la Chine Populaire dépasse largement le cadre strictement militaire. En effet, portant sur le statut de puissance régionale, voire de puissance emblématique de l’Asie à l’échelle mondiale, elle se place dans le domaine stratégique.
            L’Inde entend tirer des leçons de la stature régionale de la Chine. Cette dernière constitue un objectif mais non un modèle. Crainte par ses voisins immédiats avec lesquels l’Empire du Milieu a traditionnellement entretenu des relations de vassalité notamment la Corée et le Viêt-nam, comme par les autres Etats asiatiques, la Chine est considérée par tous les pays de la région comme la principale menace pesant sur leur sécurité. Or, l’Inde entend être un des pôles de puissance et d’influence en Asie Pacifique, aux côté de la Chine et du Japon, sans susciter les mêmes réactions de méfiance que ces deux derniers : La première en raison de sa puissance future, le second à cause de son passé militariste. Ainsi, son premier objectif est d’être la puissance dominante, mais non hégémonique. Cependant, la réalisation de ce premier objectif,  dépend d’abord de sa capacité à entretenir de bonnes relations avec ses voisins asiatiques.  Dans ce cadre, elle a amorcé depuis 1997 une nouvelle politique étrangère envers les Etats d’Asie du Sud reposant sur les principes de bon voisinage. Cette politique a rapidement donné d’excellents résultats particulièrement avec le Bangladesch et le Sri Lanka. Cependant, la relation bilatérale la plus difficile reste celle entretenue avec le Pakistan.
Le réchauffement avec ce dernier, se heurte au soutien de la Chine Populaire aux programmes nucléaires et balistiques pakistanais, notamment par la vente d’avion de combat, des pièces pour les missiles balistiques moyenne portée, l’assistance technique et la vente d ‘anneaux magnétiques destinés à l’enrichissement de l’uranium. Le soutien chinois au Pakistan contribue, en effet, à renforcer la position de ce pays par rapport à l’Inde et, partant, à affaiblir cette dernière par rapport à la Chine en l’obligeant à faire face à deux fronts.
            Toutefois, pour ne pas faire le jeu de cette dernière, l’Inde refuse de confiner le champ de son influence au seul sous-continent, ce qui, d’ailleurs, serait contraire à ses intérêts économiques. Ainsi, New Delhi a entrepris de renforcer ses relations avec  les Etats d’Asie du Sud-Est. Politiquement et stratégiquement, il s’agit de souligner la contribution de l’Inde à la stabilité de la région en tant que contrepoids à la Chine. En fait, l’Inde tente de dissiper les craintes des Etats d’Asie du Sud-Est envers sa puissance militaire en attirant leur attention sur les ambitions hégémoniques Chinoises. De plus, économiquement, l’objectif est de multiplier les liens avec les économies dynamiques de la région, malgré les conséquences de la crise financière de 1997, afin d’accélérer son propre développement.
            Par ailleurs, au cours de l’Automne 1995, à l’occasion de la préparation d’un traité de dénucléarisation de l’Asie du Sud Est, couvrant le territoire de dix pays, les Etats de la région ont pris conscience de leur proximité géographique avec l’Inde, puissance nucléaire qu’ils ont négligée jusqu’alors dans leurs analyses sur la sécurité régionale. En 1996, la décision de l’inclure comme partenaire du dialogue au Forum Régional d’Asie (A.R.F), au côté de la Chine, constitue la traduction de cette prise de conscience et marque un premier pas vers une plus grande intégration de l’Inde en Asie Pacifique. Cependant, là aussi, l’Inde se heurte à l’omniprésence chinoise. La Chine entretenant, ainsi, une relation privilégiée avec deux pays frontaliers de l’Inde, suscite chez cette dernière  un sentiment d’encerclement. Dans le même sillage, du succès de ses initiatives régionales, dépendra le statut mondial de l’Inde, ce qui constitue, son deuxième objectif stratégique. Néanmoins, pour être reconnue comme un pôle de puissance à l’égale de la Chine, New Delhi estime qu’il lui faut démontrer sa capacité à assurer seule sa propre défense, a en choisir les moyens les plus adaptés sans céder aux pressions occidentales en général et américaines en particulier, ni renoncer définitivement à son programme nucléaire ou balistique. Dans ce cadre, elle refuse de signer les traités d’interdiction des essais nucléaires ou de la non prolifération, en avançant qu’elle est le seul pays au monde confronté à deux états nucléaires à savoir le Pakistan et la Chine. Elle estime aussi que les autres puissances nucléaires, doivent prendre des engagements fermes en vue de réduire leurs arsenaux nucléaires. De même, les responsables indiens s’inquiètent de la modernisation militaire chinoise. En effet, les dépenses militaires de Pékin ont augmenté de 26% entre 1988 et 1995 et s’élevaient à 24 milliards de dollars, alors que celles de l’Inde baissaient de 20% pour atteindre 7,6 milliards de dollars. En fait, n’ayant pas acquis de systèmes d’armes majeur depuis 1990, l’Inde a entrepris depuis 1996 un effort de modernisation de ses armées en s’appuyant sur la Russie. Cependant, cet effort reste très insuffisant par rapport à celui de la Chine, entrepris depuis longue date et de manière obscure. En revanche, si à l’instar de la Chine, l’Inde a une relation difficile avec les Etats Unis à cause de  son refus de signer les engagements internationaux sur les questions nucléaires. Toutefois, pour obtenir un brevet d’«asianité » et de respectabilité sur la scène internationale, l’Inde s’appuie sur le Japon qui offre le double modèle, d’un pays qui a économiquement réussi sans renier ses particularités culturelles. Ainsi, une alliance tacite avec le Japon, pourrait seule permettre à l’Inde de constituer un contrepoids à la Chine, en jouant de la rivalité Sino-Japonaise pour la suprématie en Asie Pacifique. Aussi, tant que l’Asie Pacifique n’a pas réussi à instaurer un système multilatéral de sécurité collective et à réduire les rivalités de ses membres, elle ne peut pas se positionner comme un pôle géopolitique prépondérant, surtout que cette ambition reste affaiblie par la multitude des conflits territoriaux qui la fragilisent davantage.
IV- La complexité des differends territoriaux :     
            La complexité des contentieux territoriaux, contrarie l’essor géopolitique de la zone Asie Pacifique.
1- La péninsule Coréenne:
            D’abord, la péninsule Coréenne constitue le lieu de l’Asie Pacifique où, le risque d’une épreuve de force menace constamment la stabilité de la région.. En effet, presque un demi siècle après la fin des combats, la guerre de Corée n’est pas officiellement terminée. Les risques de conflit sont toujours présents et avivés par la présence américaine dans la péninsule. La course aux armements que mènent les deux Corées, demeure un autre facteur déstabilisateur de la zone Asie Pacifique.  De ce fait, la crise nucléaire de 1993- 1994 a rappelé à quel point la Corée reste un lieu de tension. La question était de s’assurer si la Corée du Nord  possédait vraiment la bombe. Le 12 Mars 1993, sommée d’accepter l’inspection de ses installations nucléaires, Pyonyang annonçait qu’elle se retirait du traité sur la non prolifération, provoquant une crise qui ne prendrait fin qu’avec l’accord international du 21 Octobre 1994, portant sur la modernisation de son programme nucléaire. Entre-temps, la pression était suffisamment montée, avec une psychose de guerre et de déploiement de missiles anti-missiles PATRIOT en Corée du Sud. Depuis lors, le dialogue entre les deux frères ennemis, s’est amorcé mais timidement, dans la mesure où de nombreux différends entravent la réconciliation entre les deux Corées.
            De ce fait, après le sommet des deux présidents coréens en Juin 2000, précédé par l’échange de visite de haut niveau, les consultations ont tourné à propos du problème le plus épineux et qui complique tout rapprochement durable entre les deux pays de la péninsule à savoir, comment réduire la confrontation militaire entre le Nord et le Sud.
Cette question est délicate car elle concerne directement les Etats Unis qui disposent de 37 000 soldats et de 100 avions de combat stationnés en Corée du Sud. Ainsi, avec ‘le parapluie nucléaire’ qu’ils déploient au dessus du Sud, ils font pencher le rapport de forces en faveur de Séoul. Washington refuse de discuter cette hypothèse en affirmant que la présence américaine dans la Péninsule est non seulement dissuasive, mais importante pour la stabilité de l’ensemble de la zone Asie Pacifique. Mais cette analyse occulte une dimension importante. En fait, la Corée du Nord a de réelles préoccupations en matière de sécurité, à cause de la présence des Américains et de leur supériorité technologique. Pour cela, elle se sent vulnérable à des frappes préventives américaines.
           Dans cette optique, elle utilise ses missiles comme une arme de dissuasion contre toute menace éventuelle. Aussi, le prix de leur élimination devrait être accompagné de plus fortes réductions des forces conventionnelles américaines, ainsi que des concessions en matière de « parapluie nucléaire ».
          D’autre part, un autre différend plus complexe oppose les deux parties. En effet, l’armistice de 1953 doit être remplacé par un traité de paix. Toutefois, les deux parties sont encore embourbées dans une impasse de procédure qui masque les questions les plus fondamentales. Washington et Pyongyang divergent non seulement sur le remplacement des procédures d’armistice, mais aussi sur le fait de savoir s’ils faut les remplacer avant ou après que la Corée du Nord ait retirer ses forces conventionnelles déployées en premières lignes.
         En effet, les signataires de l’armistice de 1953, étaient la Corée du Nord, la Chine et le général Américains Mark. w. Clark agissant au nom du Commandement des Nations Unies qui avait fourni une couverture multilatérale à l’intervention américaine dans le conflit. Ainsi, Pyongyang réclame un traité de paix américano-Nord Coréen pour remplacer la trêve. Mais Washington et Séoul exigent l a signature du traité par les deux Corées. Bien plus, les Américains prétendent qu’ils ne sont pas partie de l’accord de 1953, parce que le général Clark, bien qu’il soit américain, l’avait signé au nom du Commandement des Nations Unies.
En fait, les manœuvres américaines s’expliquent par des considérations politiques. Au fond, elles révèlent une inquiétude énorme du Pentagone, dans la mesure où la normalisation des relations avec la Corée du Nord et le remplacement des clauses d’armistice, pourraient mettre en péril la présence militaire américaine en Corée, et pourraient aboutir, d’autre part, à une Corée réunifiée. Cette dernière, forte de 220 000 Km2 et d’environ 70 millions d’habitants, associant les ressources du Nord, le potentiel industriel du Sud et la formidable détermination nationale de tous les Coréens, pourrait constituer un pôle de puissance susceptible de changer la donne géopolitique dans la région. Partant, en attendant que les Etats Unis  rompent les impasses et engagent l’ensemble de la péninsule dans l’ère de l’après- guerre froide, le chaud et le froid continuent à souffler sur la région.
2- La question de Taiwan:
          La question de TAIWAN constitue aussi un problème épineux qui menace la stabilité de la zone Asie Pacifique.
En effet, située à mi-chemin de la Corée au Nord et de L’ASEAN au Sud, l’Ile de Taiwan pourrait bien se trouver un jour dans l’œil du cyclone. Le problème demeure toujours celui de la réunification. Depuis 1949, ce différend reste sans issue. Ainsi, si pour Mao, la libération de TAIWAN par la force était une question qui relevait des affaires intérieures chinoises, le point de vue du Général  Tchang Kai Chek était du même ordre, puisque ce dernier prétendait reconquérir le continent par une action militaire. Cependant, après les crises de 1954 – 1955 et 1958 où Mao avait échoué dans son entreprise de reconquête, les deux Chines ont vécu dans l’idée acceptée, à Pékin comme à Taipei, qu’aucune des deux parties n’abandonnerait l’objectif ultime de réunification. Cette situation de statu- quo, gage de stabilité politique,  a permis à Taiwan un développement économique spectaculaire traduit par un taux de croissance annuel de 8%. Aujourd’hui en revanche, s’il est vrai qu’en Chine populaire le mythe de la réunification recouvre encoure une réalité qui s’exprime parfois brutalement et sans avances avec l’appui de la grande majorité du peuple, toujours soumis à la propagande du pouvoir central, il n’est pas sûr qu’ à Taiwan, il correspond encore aux vœux des habitants qui, probablement, envisagent l’hypothèse d’une Chine réunifiée comme une éventualité très lointaine. En fait, comme le mythe de la réunification de la Chine par la force avait servi de base au pouvoir des nationalistes, celui de l’indépendance de Taiwan , qui s’appuyait sur l’identité Taiwanaise, allait constituer le fondement politique d’un mouvement d’opposition interne regroupant les Taiwanais de souche, lassés du pouvoir sans partage du Parti de Tchang – Kaï –Chek dont l’hégémonie fut progressivement ébranlée par l’ampleur de la contestation. Cette dernière poussa le président Lee Ten- hui, un natif de l’île, qui succéda Jiang Jing-guo en Janvier 1988, à faire des concessions majeures à la sensibilité taiwanaise de la population.
        En outre, favorisé par l’ouverture politique, soutenu par une classe moyenne de plus en plus nombreuse, le mouvement indépendantiste (Parti pour le progrès Démocratique) élabora un programme de rupture avec le mythe de la réunification, prônant l’établissement d’une République de Taiwan et affirmant la naissance d’une identité particulière de l’île, plus taiwainaise que chinoise.  Plus encore, la force du mouvement et l’influence de plus en plus grande des Taiwanais de souche dans la vie politique, contribuèrent à infléchir la politique étrangère de Taipei qui se caractérise depuis le début des années 1990 par une résistance de plus en plus affirmée à Pékin et à son principe de réunification, jugé inacceptable par les Taiwanais, puisqu’il relègue l’île au rang subalterne de province. Ainsi, Taiwan milite avec beaucoup d’ambiguïté pour que la communauté internationale reconnaisse l’île comme une entité politique d’un rang équivalent à celui de Pékin. Pour cela, elle continue à poser le problème de sa représentation aux Nations Unis et s’efforce de figurer à un niveau de plus en plus élevé dans les forums internationaux. Cependant, cette politique se heurte aux initiatives de Pékin qui fait pression sur la communauté internationale pour endiguer les démarches Taiwanaises. Dans cette optique, en 1992, la Chine communiste fait obstacle à l’admission de l’île au GATT sans hésiter à déclencher une crise diplomatique en 1995 lorsque les Etats unis ont accordé un visa au président de l’île monsieur Lée teng- Hui pour une visite privée.
       La perception de Pékin est que Taiwan évoluerait vers une indépendance de fait et que les relations entre les deux Chines se modifieraient progressivement, échappant ainsi au schéma voulu par « L’empire du Milieu », pour s’orienter vers une relation entre Etats. Cette crainte s’est brutalement exprimée en 1995, à la veille de la 1ère élection au suffrage universel, pour dissuader les Taiwanais à ne pas voter pour leur bête noire Lee Teng-hui, accusé de dérives indépendantistes, en effectuant des exercices à tir réel et en lançant des missiles balistiques bloquant la navigation dans le détroit.
      Ainsi, la démonstration de force, par laquelle Pékin a affirmé sa détermination, malgré l’intervention de la marine américaine, les réactions relativement mesurées du reste de la communauté internationale, tout comme les dommages causés par la crise à l’économie taiwanaise, ont fait apparaître le caractère irréaliste et dangereux du mythe de l’indépendance de Taiwan. Elle a montré aussi, à quel point les relations entre Pékin et Taipei, dont les positions politiques sont aujourd’hui incompatibles, sont délicates et fluctuantes. Toutefois, même si les perspectives restent brouillées du fait des incertitudes politiques qui règnent dans les deux blocs, il est peu probable que les crises qui pourraient encore surgir, malgré l’élection du nouveau président taiwanais monsieur Chen Shui, provoqueraient un dérapage majeur. Ainsi, sauf modification brutale des rapports de forces, cette situation devrait se prolonger et continuerait à constituer l’un des points chauds de l’Asie Pacifique.
3- La mer de Chine méridionale :
     Compte tenu de son indéniable importance stratégique, la mer de Chine méridionale fait l’objet de multiples revendications de l’ensemble des pays reverrais, accentuant ainsi la fragilité de la zone Asie Pacifique.
     En effet, le 25 Février 1992, la parlement chinois a adopté une loi maritime qui place la plus grande partie de cette mer sous sa souveraineté. Cette décision unilatérale a alimenté , depuis lors, des rumeurs de conflits ; car tel qu’il a été défini par la nouvelle loi, le territoire chinois comprend désormais les îles Senkaku, Parcel et Spratly. L’ensemble couvre la plus grande partie de la mer de Chine méridionale et de ses ressources.  Sur le plan juridique, les revendications chinoises restent imprécises. Ainsi, pour les légitimer, la Chine s’appuie sur l’étendue de son plateau continental et sur « des raisons historiques » qu’elle refuse d’expliciter.
Par ailleurs, les prétentions chinoises paraissent volontairement vagues sur le plan géographique. En fait, l’étendue revendiquée comprend des zones d’exploitation et des installations contrôlées par l’Indonésie, la Malaisie et le Philippines .   Réellement, la Chine entend asseoir sa puissance dans la région pour plusieurs raisons. D’une part, historiquement, la mer de Chine du Sud cristallise la fragilité de la défense chinoise. C’est par là que les puissances occidentales vinrent contrôler la région au XIX siècle, que les nationalistes échappèrent aux forces révolutionnaires et qu’Américains et Soviétiques assirent leur domination régionale pendant la guerre froide. De ce fait, le contrôle du flanc Sud  commande la sécurité de la République Populaire de Chine. En outre, la mer de Chine du Sud communique dans le Sud –Ouest avec l’océan Indien par les détroits Malais et Indonésiens. Les eaux territoriales des îles spartly commandent le trafic maritime, notamment pétrolier, par le détroit Malacca entre le Proche Orient et le Japon.  Ces îles sont, donc, situées sur l’une des principales artères du commerce maritime mondial. En 1995, transitait de chaque côté de l’archipel, un quart de commerce maritime mondial. De ce fait, la  Chine exercerait un contrôle non seulement sur les voies maritimes, mais aussi sur le dense réseau des lignes aériennes survolant la région.
     D’autre part, le sous- sol de l’archipel recèle des réserves d’hydrocarbures estimées par les Chinois à 205 000 milliards de barils d’équivalent pétrole (B.E.P). De ce fait, la bataille fait déjà rage entre Vietnamiens et Chinois par Compagnies pétrolières interposées. La situation énergétique respective des deux pays éclaire la véritable portée de ce contentieux.
Pour Hanoï, l’exploitation et l’exportation  d’hydrocarbures sont au cœur de sa reconstruction économique. Représentant 12% des investissements étrangers depuis 1988 et près d’un tiers des exportations, le pétrole compte parmi les principales sources de revenus. Or, le plateau continental Vietnamien, en grande partie revendiqué par les Chinois, contient des  réserves de pétroles évaluées entre 3 et 5 milliards de barils.
     De même, en Chine les ressources énergétiques conditionnent le développement industriel. Les gisements exploités sur son sol s’épuisent et la production de pétrole ne répond plus à la demande que génère une croissance économique annuelle de 10% en moyenne depuis dix ans. Dans cette optique, s’illustre l’enjeu que constitue, pour Pékin, l’exploitation de nouveaux gisements dans les Spratly.
     Cependant, la tentative de Pékin de mettre la main sur les hydrocarbures de la mer de Chine méridionale, pourrait finir par l’opposer à presque tous les Etats riverains. Les revendications chinoises couvrent par exemple les îles Indonésiennes Natuna, et singulièrement le gisement de gaz du même nom situé à 250 Kms au Nord- Est de ces îles. C’est l’un des plus importants gisements du monde évalué à 137 000 milliards de mètres cubes.
     La menace verbale de Pékin de recourir à la force pour défendre sa souveraineté, s’ajoute encore aux incertitudes. En fait, non seulement, l’Armée Populaire de Libération (APL) multiplie ses opérations depuis le début 1990, mais elle intervient de plus en plus vers le Sud de la mer de Chine méridionale.  La Chine occupe ainsi militairement huit îlots de l’archipel. Elle n’est pas la seule d’ailleurs, car le Viêt-nam en occupe une vingtaine, les Philippines, huit, la Malaisie, trois et  Taiwan, un.          
      En outre, le conflit plonge les Etats Unis dans contradictions flagrantes. D’un côté, les contraintes budgétaires et le non interventionnisme, les conduisent à se replier sur des positions militaires traditionnelles. De l’autre, la présence dans la région de nombreuses compagnies pétrolières américaines, les incertitudes du transport militaire, la volonté de contenir les ambitions chinoises et les sollicitations des pays d la région, les contraignent à intervenir dans le débat. Mais faute de trancher entre tant d’impératifs, Washington joue sur tous les tableaux : les pressions commerciales et la manipulation de la question Taiwanaise, se combinent avec les gestes militaires.
      Par ailleurs, depuis la fin des années 1980, c’est aux Indonésiens qu’on doit la plupart des efforts de médiation. N’ayant aucune revendication sur les îles de l’archipels, Jakarta organisait des rencontres annuelles pour discuter les moyens susceptibles « d’éviter un potentiel conflit en mer de Chine ». Cependant son initiative subit de rudes secousses. En fait, en 1993, l’Indonésie perd sa neutralité en s’apercevant que la ligne de revendication Chinoise intégrait les îles Natuna. En 1994, les Chinois n’ont pas hésité à installer une nouvelle borne de souveraineté sur le récif Da Lac. Les relations Sino- Philippines se sont détériorées en 1995 à la suite de la découverte de nouvelle installations militaires Chinoises sur le récif Mischief.  Actuellement, le moindre récif de ces îles grouille de soldats. Les parages de l’archipel sont sillonnés par des  navires de guerre, surveillés par les avions bourrés d’électroniques et des satellites espions. La recherche  d’une solution globale n’a pas évolué. Cependant, les autorités chinoises ne manquent pas de rappeler qu’elles sont prêtes à employer la force pour faire respecter leur souveraineté.
     Ainsi, tous les ingrédients d’un conflit semblent donc réunis. Le retour de Taiwan et sa réunification avec Pékin, représente un enjeu de taille pour « l’empire du Milieu », le contentieux coréen alimente l’escalade et les rivalités sur le pétrole de la mer de Chine méridionale, accentuent les divergences entre la majorité des pays en instaurant une ambiance d’insécurité et d’instabilité dans la zone d’Asie Pacifique.
Conclusion
En  somme, en raison de ses fortes potentialités et de ses capacités de redressement économique, l’heure de l’Asie Pacifique pourrait alors vraiment sonner à l’horloge de la croissance. Cependant, elle n’est pas en mesure de s’affirmer en tant qu’un pôle géopolitique majeur, au moins pour le court et le moyen terme. En effet, elle est loin d’avoir atteint son équilibre et sa maturité politique. L’avenir est encore incertain. La région est à la merci des influences des grandes puissances, et surtout de celle de ses membres les plus turbulents dont les querelles et les rivalités, pourraient non seulement ralentir le processus de modernisation et de développement entrepris ces dernières années, mais aussi de fragiliser la stabilité et la sécurité de la zone en limitant ses ambitions. 

            Par ailleurs, dans cette région  du monde en pleine croissance économique, la Chine et le Japon sont déjà les véritables compétiteurs pour la suprématie du futur. Toutefois, sur le chemin du Leadership politique se dresse «  l’Empire du Soleil Levant», dont la position s’est encore affirmée depuis son alliance pour le XXI siècle avec les Etats- Unis, et qui a remis en cause la hiérarchie des puissances issues de la seconde guerre mondiale. En outre, la constitution d’un axe d’intérêt commun entre Tokyo et le monde non chinois, et le plus grand engagement du Japon sur la scène politique internationale parait aujourd’hui répondre à la montée en puissance d’une Chine plus inquiétante et plus menaçante.

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