INTRODUCTION
Autrefois, le navigateur Fernand Magellan l’avait surnommée « le Grand
Océan ». En effet, L’Asie Pacifique est une zone aux limites floues
en ce sens que les océans constituent un milieu pour les échanges, plus qu’une
frontière. Située approximativement entre 90° EST et 150 EST de longitude , et
entre 10° Sud et 60° Nord de latitude, couvrant à elle seule une part
importante de la surface du globe, la région Pacifique est un immense espace
d’îles et d’archipels où prévaut une histoire complexe faite de la rencontre
sur place des deux grandes civilisations : celle de l’Inde et celle de la
Chine, puis la rencontre des deux grandes religions universalistes à savoir
l’Islam et le Christianisme. Le brassage des populations a généré un ensemble
aussi divisé et plus varié encore que ne peuvent l’être les Balkans ou
l’Amérique Centrale. Les influences extérieures y ont déposé tant de
« Couches » qu’il faudrait un travail proche de celui du géologue
pour en distinguer tous les éléments.
Si on se restreint aux multiples archipels qui parsèment cette immensité, la
superficie des terres émergées est faible, la population qui y habite est
modeste et l’activité économique est négligeable. En revanche, si l’on englobe
les pays riverains, la réalité stratégique est frappante. En fait, les
pays parmi les plus peuplés de la terre, les plus vastes, les plus puissants,
les plus riches en matières premières, sont tous parties prenantes, et leurs
territoires bordent les fonds marins les plus abondants en ressources
naturelles. Parmi ces pays on cite, les pays d’Asie Orientale tels que la
Chine, l’Inde, ou l’Indonésie.
D’autre part cette immensité a rendu longtemps difficile les contacts
entres ses deux rives. Ainsi, l’Asie Pacifique
est restée jusqu'à une date récente en marge du système monde. Cependant,
depuis la seconde guerre mondiale, une évolution remarquable a renforcé la
position des pays riverains du pacifique dans la production mondiale. En fait,
la faiblesse de l’économie des pays asiatiques, ruinés par le conflit, et la
crainte du communisme, qui s’est installé en Chine et qui progressait dans la
péninsule Indochinoise, ont conduit les Américains, principaux vainqueurs de la
guerre, à accepter la reconstruction de l’économie Japonaise et à beaucoup
investir dans les autres pays de la région.
La guerre
de Corée fut à l’origine d’un « boom » économique spectaculaire
notamment pour le Japon où il marqua le début d’une période exceptionnelle de
« haute croissance » que les entrepreneurs japonais surent en
prolonger et en amplifier les effets.
C’est en partie la croissance Japonaise qui explique celle des pays voisins
dans la mesure où le simple désir d’imiter son modèle, se doubla d’un processus
de diffusion qui a d’abord affecté Hong Kong, Singapour, la Corée du Sud et
Taiwan. Ces derniers sont devenus les nouveaux pays Industrialisés (N.P.I)
ou « les quatre dragons d’Asie ». Puis, le développement a affecté
une seconde génération de pays, où des régions entières se sont transformées
rapidement notamment la Malaisie, la Thaïlande, les zones côtières de la Chine
et à un moindre degré les Philippines et l’Indonésie. De ce fait, la croissance
de la zone Asie Pacifique a été exceptionnelle dans la mesure où sa part dans
l’économie mondiale est passée de 4% en 1960 à 28% en 1996. Ainsi, les
observateurs présentaient la région comme le nouveau centre économique du monde
et imaginaient déjà les Etats Unis se détournant de la veille Europe pour se
consacrer à l’approfondissement de liens étroits avec les pays d’une Asie
Pacifique triomphante.
Toutefois, la crise monétaire de 1997 dont ont été victimes les pays
asiatiques, a brutalement inversé la tendance. Dans ce cadre, certains
spécialistes voient dans cet épisode le signe d’une extrême fragilité et
annoncent désormais l’effondrement d’une région qui se serait développée trop
vite et qui demeure exposée à d’autres dangers plus graves. Cependant, d’autres
avancent que les difficultés rencontrées par les pays de la région sont
conjoncturelles et ne devraient pas affecter durablement leur croissance.
Dans cette optique, il est très judicieux de se demander si la région Asie
Pacifique sera demain un pôle géopolitique majeur ?
Même si la zone Asie Pacifique constitue une zone aux potentialités économiques
prometteuses, il semble difficile de l’imaginer en pôle géopolitique majeur, au
moins dans le court et le moyen terme, dans la mesure où un certain nombre de
difficultés continuent à contrarier son essor notamment la divergence des
intérêts des grandes puissances, l’absence d’un système multilatéral de
sécurité collective accentuant les rivalités entre les principales puissances
régionales émergentes, et surtout, la persistance de nombreux contentieux
territoriaux complexes qui fragilisent sa stabilité.
L’examen des performances économiques de la zone Asie Pacifique d’abord, de la
divergence des intérêts des grandes puissances ensuite, de l’impact de
l’absence d’un système multilatéral de sécurité collective, et de la complexité
des contentieux territoriaux enfin, permettront de justifier le bien fondé de
ces propos.
I- Les Potentialités économiques :
Renfermant d’énormes potentialités humaines et naturelles, l’Asie Pacifique
constitue une zone aux performances économiques prometteuses.
1- Les potentialités humaines :
En effet, l’Asie Pacifique constitue un réservoir démographique impressionnant.
Ainsi, avec 60% de la population mondiale, cette zone est considérée comme une
puissance démographique importante. De ce fait, la partie Nord- Est, englobant
la Chine, les deux Corées, Macao, et Taiwan, compte à elle seule une population
estimée à 1,5 milliards d’habitants avec une espérance de vie moyenne de 74 ans
environ.
De plus, la population d’Asie Pacifique se caractérise par les valeurs socio-
culturelles propres à cette partie du globe. Aussi, malgré leur diversité et
leur éloignement relatif, les peuples de ces territoires ont un sentiment
d’appartenir à un même ensemble et à une même communauté au sein d’une région
culturellement homogène. Fortement imbibées des valeurs confucianistes, les
sociétés asiatiques sont composées de battants dont toute frustration est
convertie en énergie pour le travail, le respect du groupe, la réussite et le
refus de l’humiliation. Ces valeurs culturelles ont toujours fait de ces pays
des porteurs d’une individualité affirmée, détenteurs d’une civilisation
ancestrale, et lieu de rassemblement des populations capables de conserver les
valeurs qui leur sont propres.
Cette ressource humaine constitue, en effet, un atout fort appréciable pour une
zone axée pleinement sur un effort de réoccupation de l’espace et
d’appropriation d’un destin collectif de la part des peuples qui demeurent
fiers de leur récent passé prestigieux, désireux de rattraper le temps perdu en
vue de jouer un rôle majeur dans « la cour des Grands ».
2- Les richesses naturelles:
D’autres part, l’Asie Pacifique demeure une zone riche en ressources
naturelles.
En fait, la richesse la plus frappante serait, certes, pour un observateur non
averti, les ressources halieutiques abondantes, mais la zone renferme également
de gigantesques ressources minérales évaluées à 50% des réserves mondiales de
gaz, de charbon et d’uranium, et à 21% de celles de pétrole. Elles se situent
essentiellement en Australie pour la houille, les hydrocarbures, l’uranium, la
beauxite, le fer, le plomb et le zing, aussi qu’en Papouasie Nouvelle Guinée
pour le cuivre, l’or, l’argent et les hydrocarbures. De même dans le domaine de
l’énergie et des combustibles, les pays d’Asie pacifique occupent une place
prépondérante. Ainsi, à titre d’exemple, des pays moyens comme la Corée du Sud
ont les capacités de production en énergie électrique estimées à 2338 milliard
de KWH. La situation des autres métaux comme le Nikel, le cuivre, l’aluminium
et le plomb, s’est nettement assainie depuis la fin de l’année 1999. Par
ailleurs, d’après Franscisco Vergara, « un sursaut des produits
industriels a surtout profité aux producteurs asiatiques ». De ce fait,
tous ces éléments militent pour un retour en puissance de l’économie de la zone
Asie Pacifique.
3- Le redressement économique :
En effet, le retour en force de l’Asie Pacifique sur l’économie mondiale est
inévitablement en voie.
Dans cette optique, le célèbre économiste Thierry de Montbrial de l’Institut
Français des Relations Internationales a stipulé en 1999 au sujet des pays de
L’ASEAN, que la crise était « une entrée dans la période de
correction ». De plus, les « Géants Blessés », d’après les
termes de Jean Luc Domenach, ont su résister au cyclone pour s’inscrire
dans une croissance durable. La Chine a su passer la période trouble de
1998–1999 et résister à la dépréciation de son Yuan. Quant au 2 ° géant, le
Japon, il reste le premier créancier de la planète. Dans toute la péninsule,
les indicateurs sont positifs avec un taux de croissance compris entre 0,9 % et
7,8 %. Quant au Produit Intérieur Brut, il se situe entre 3,3 et 3,8 milliards
de dollars.
A cet égard, l’Asie Pacifique est loin d’avoir perdu les moyens de rejouer un
rôle prépondérant dans l’économie mondiale, surtout avec la nouvelle
réceptivité à l’égard des diagnostics des économistes du Fonds Monétaire
International, la création d’une zone économique exclusive et la création de
nouveaux marchés. D’autres facteurs ne sont pas à négliger tels que le
pragmatisme sur les nouveaux plans économiques, la maîtrise de certaines hautes
technologies, notamment celles relatives à l’espace et au nucléaire, et les
capitaux étrangers qui ont commencé à affluer sur la région depuis l’été 1999.
Partant, possédant un potentiel humain dynamique, riches en ressources
naturelles et ayant résisté avec succès aux méfaits de la crise financière, les
pays d’Asie Pacifique ont tous les atouts pour émerger sur la scène
internationale. Toutefois, la divergence et l’opposition des intérêts des
grandes puissances limitent leur épanouissement.
II- La divergence des intérêts des grandes
puissances :
La divergence des intérêts des
grandes puissances empêche l’Asie Pacifique de s’affirmer en tant que pôle
géopolitique majeur.
1- Le repli relatif des Américains:
La fin de
la guerre froide a amorcé un repli relatif des Américains dans la région d’Asie
Pacifique.
En
fait, l’effondrement de l’union Soviétique et du système bipolaire a ouvert en
Asie Pacifique de nouvelles perspectives. Ainsi, les Etats Unis se trouvent
aujourd’hui confrontés à une contradiction fondamentale entre leur volonté
d’assurer la paix dans la zone- où les forces Américaines ont été réduites de
prés de 20% par an depuis le début des années 1990-tout en préservant leur
statut de superpuissance garante de la sécurité d’une région avec laquelle
s’effectuent 37% de leurs échanges commerciaux.
En
dépit des déclarations répétées du président Américain sortant Mr Bill Clinton
en faveur du maintien d’un certain niveau de force en Asie Pacifique, notamment
lors de sa rencontre avec le premier ministre japonais Hashimoto en Avril 1996,
les pressions diverses qui s’exercent sur la prise de décision en matière de
politique étrangère et d’orientations stratégiques aux Etats Unis notamment des
pressions budgétaires, morales ou économiques par l’intermédiaire du Congrès et
des médias, font douter de la véritable volonté d’engagement des Etats Unis en
l’absence d’une perception claire de menaces communes. Ainsi, l’ancien
président de la République des Philippines, Mr Fidel Ramos a déclaré au mois de
février 1997 que les Etats Unis devraient considérer comme une menace directe
toute domination de la région par une seule puissance. En fait, de nombreux
dirigeants en Asie Pacifique s’inquiètent, en particulier, de l’absence
d’orientation stratégique clairement définies de la part des Américains alors
que les Chinois, de leur côté, dénoncent, de plus en plus ouvertement, le
maintien dans la région d’une présence militaire américaine qui ne leur est
plus d’aucune utilité depuis que la menace Soviétique a disparu. Par ailleurs, alors que depuis le début
des années 1990, les débats se sont multipliés aux Etats Unis sur L’opportunité
de maintenir une présence importante en Asie du Sud Est , le poids des
intérêts économiques semble l’emporter sur celui des intérêts stratégiques.
C’est ainsi qu’en dépit de l’Alliance qui lie les deux pays , le Japon a
longtemps fait figure de véritable menace. En fait, le Japon conforte sa
position dans la zone Asie Pacifique au détriment des Américains aussi bien
économiquement que stratégiquement.
Ainsi,
économiquement, si les investissement cumulés des Etats Unis dans les nouveaux
pays industrialisés Asiatiques étaient à peu près équivalents de ceux du Japon
(10,6 milliards de dollars de 1994 à 1996 pour les U.S.A et 11,2 milliards de
dollars pour le Japon), dans les Etats de L’ANSEA dont l’importance économique
en Asie est croissante et le poids politique est essentiel, les investissements
japonais pour la même période ont atteint 12,6 milliards de dollars, alors
qu’ils ne dépassaient pas 8,2 milliards de dollars pour les Etats Unis.
Les conflits économiques entre les Etats Unis alors en perte de vitesse et une
puissance Japonaise particulièrement dynamique, se sont multipliés. Ainsi, le
litige portant sur l’automobile a engendré la querelle la plus sérieuse de
l’histoire des relations nippo- américaine. Bien qu’elle se rapporte à
l’économie, cette dispute assez vive, a reflété la modification du statut
international des Etats Unis et du Japon. Aussi, depuis qu’il est devenu un
géant économique, ce dernier n’est plus un partenaire subalterne et peut
contrarier les décisions américaines.
De surcroît, stratégiquement, la réduction continue des forces américaines dans
la région, qui sont passées de 135 000 hommes en 1990 à un plus de 100 000
aujourd’hui, vient étayer ce sentiment de flottement ; d’autant plus que
d’autres réductions sont évoquées en cas de disparition d’un risque Nord-
Coréen qui est loin de constituer la menace principale prise en compte par les
gouvernements locaux, en dépit des déclarations officielles.
En effet, l’engagement des Etats Unis en Asie Pacifique, est justifié par toute
une série d’accords datant de la guerre froide, tombés pour certains d’entre
eux en désuétude. C’est le cas en particulier de l’accord de 1951 conclu avec
les Philippines depuis la fermeture des deux grandes bases de Clark et de Subic
Bay en 1992, qui a abouti au retrait de toutes les forces américaines
permanentes du théâtre Sud- Est asiatique. Le noyau dur de la présence
américaine en Asie aujourd’hui, est constitué par les deux traités de sécurité
signés avec le Japon en 1951 et avec la Corée du Sud en 1953, qui autorisent le
maintien d’un réseau de bases concentrées en Asie du Nord - Est.
Par
ailleurs, repoussée au delà de l’horizon, la VII flotte Américaine, qui reste
l’élément essentiel de l’équilibre des forces dans la zone, compte sur ses
capacités de projection pour gérer toute crise qui viendrait mettre en danger
les intérêts américains et jouer le rôle dissuasif que l’on attend d’elle. La
« gesticulation » navale lors de la crise de Taiwan, montre à
l’évidence que les Etats Unis ne sont pas prêts à faire oublier leur puissance
maritime tout en poursuivant, d’ailleurs, une action diplomatique continue,
concrétisée par des accords bilatéraux avec la plupart des pays de la zone
pacifique.
2- Le retour de la Russie:
D’autre
part, la Russie essaye de consolider sa position dans la zone Asie Pacifique.
En effet, l’effondrement de l’URSS ne doit pas faire oublier sa réalité
asiatique. En dépit de ses problèmes actuels de toute nature, ainsi que des
incertitudes qui pèsent sur son évolution politique, la Russie reste une grande
puissance qui entend bien demeurer un acteur principal dans la région comme la
géographie d’ailleurs l’y contraint. Depuis le début des années 80, Moscou a,
en effet, manifesté un intérêt nouveau pour la région du Pacifique, qui a
coïncidé avec le décollage économique spectaculaire de ses pays et le succès
des premières réformes en Chine. En dépit de changements considérables, la
nouvelle Russie a repris dans une certaine mesure les orientations de la
politique étrangère de l’union soviétique Gorbatchevienne en Asie, caractérisées
par une ambition de « diversification » et d’intégration économique
dans la zone Asie Pacifique. En revanche, si Gorbatchev mettait l’accent sur la
réorientation de sa politique asiatique en direction des puissances Japonaise
et chinoise, la Russie d’aujourd’hui a, au contraire, la tentation de
retrouver, aux côté d’une Chine dont la masse inquiète et d’un Japon très
hésitant, un ancrage trop vite abandonné auprès de ses anciens Alliés d’Asie du
Sud- Est ou du sous- continent Indien.
En fait, stratégiquement, la Russie refuse tout monopole des Etats Unis dans le
monde et plus particulièrement dans la région en réaffirmant le caractère
« asiatique » de la puissance Russe. A cet égard, avec la perte des
ports de la Baltique et de la Mer Noire, l’importance stratégique de l’Asie
Pacifique ne pouvait, par ailleurs, que se trouver renforcée. En dépit de ses
difficultés actuelles, Vladivostok reste un grand port d’accès aux mers
chaudes, et la flotte du pacifique constitue désormais, en dépit de ses
faiblesses, une part essentielle de la force de dissuasion de la Russie. Ainsi,
si l’extrême- Orient russe reste encore souvent oublié d’un centre très occupé
par ses propres difficultés, le sentiment de son importance stratégique ne peut
être négligé. Aussi, la Russie souhaite- elle cultiver ses relations avec les
pays de la région. Par ailleurs, la Chine constitue un élément essentiel de
cette nouvelle « politique multidirectionnelle » de Moscou selon les
termes du ministre russe des affaires étrangères. Pour la République Populaire
de Chine, une Russie démocratique affaiblie et divisée, présente, en effet,
moins de danger qu’une puissance soviétique dont le succès des réformes
politiques aurait pu se révéler dangereux pour le pouvoir en place à Pékin.
Ainsi, mal
intégrés dans un système mondial en pleine transformation, Moscou et Pekin sont
tentés de réaffirmer leur puissance face à un monopole américain rejeté par les
deux parties. Les rencontres au plus haut niveau, entre les deux pays, ont
abouti à la signature lors de la visite de l’ancien président russe Mr Boris
Eltsine au mois d’Avril 1996 d’une déclaration conjointe définissant un
« nouveau partenariat stratégique » entre les deux .
En outre, économiquement, la collaboration Russo-Chinoise a permis à Moscou de
trouver en Chine un débouché lucratif et bien venu à des ventes d’armes . De
son côté, Pekin, soucieux de profiter de l’anarchie qui règne à Moscou dans les
prises de décision, a pleinement exploité les possibilités d’acquisition
offertes par la Russie pour améliorer les capacités de ses forces militaires,
particulièrement en capacité de projection. Les ventes d’armes de la Russie à
la Chine constituent ainsi plus de 40% des échanges entre les deux pays.
D’autres part, pour bénéficier d’une intégration accrue dans la région
Asie Pacifique, la Russie compte sur le Japon qui présente pour elle des atouts
incontestables. En effet, en dépit du contentieux territorial sur les îles
Kouriles, les deux pays présentent une réelle complémentarité.
En fait, le
Japon est le seul pays en Asie, à disposer des capitaux nécessaires à la mise à
niveau infrastructurelle de régions comme celles de l’Extrême- Orient Russe, et
son intégration dans la portion la plus dynamique et la plus développée de la
zone Asie Pacifique. Dans ce cadre, dans une étude publiée en 1996, le MITI
estimait que 300 milliards de dollars seraient nécessaires pour développer
celui- ci avant l’an 2010. En revanche, les matières premières,
particulièrement énergétiques, offertes par l’Extrême Orient Russe, présentent
un attrait essentiel pour un Japon très dépendant dans ce domaine.
De plus, face à l’occident, la Russie ne
cesse de déclarer son ambition de conserver son rang de puissance dans le
nouveau système mondial. De ce fait, elle n’est pas prête à renoncer à sa
présence en Asie Pacifique. Dans cette perspective, elle réaffirme, sans avoir
pour le moment les moyens de les mettre à exécution, ses ambitions navales en mer
de Chine du Sud en tant que force d’équilibre. Par ailleurs, après s’être trop
rapidement éloignée de ses anciennes alliances, la Russie, avec des moyens
amoindris, tente de renouer des liens plus étroits avec l’Inde et le Vietnam,
avec lesquels de nouveaux traités d’amitié ont été signés en 1993 et 1994. La
participation Russe au Forum de sécurité de l’ANSEA s’inscrit dans la même
logique.
3- L’émergence d’une Australie influente:
De même, l’Australie tente de renforcer sa prédominance dans la zone d’Asie
pacifique. En effet, plus de cent ans et
jusqu’à une date récente, l’Asie Pacifique a été pour l’Australie un ailleurs
qui leur inspirait des sentiments indécis. L’Asie est demeurée une menace
militaire réelle ou potentielle qui s’est manifestée clairement pendant la
seconde guerre mondiale et lors de la seconde guerre d’Indo-Chine qui ont
accentué l’image d’une Asie, région de tous les dangers. Seulement, bien que
les Australiens se soient habitués à considérer leur Nord comme une région
instable et militairement menaçante, l’espoir d’y trouver une source de
débouchés économiques intéressants, a toujours été présent dans la conception
des milieux politiques. Ainsi, dés le début des années 1950, l’Australie a
commencé à nouer d’importantes relations commerciales avec le Japon puis avec
d’autres pays de la région avec qui s’effectue, actuellement 60% des
exportations australiennes.
En revanche, craintive de ses voisins asiatiques, l’Australie est restée
constamment soucieuse et consciente de la nécessité de concrétiser son rôle
régional en veillant à ses intérêts nationaux, particulièrement à ceux qui
s’expriment sur ses frontières asiatiques. De ce fait, la seconde moitié de XX
siècle a vu l’Australie basculer dans sa zone en prenant en main les rênes de
son destin international et surtout régional. En fait, la fin de la
guerre froide a marqué celle des grandes protections extérieures garanties par
L’ANZUS de 1952 et par L’OTASE dissoute en 1974. Elle a imposé à
l’Australie une nouvelle maturité en matière de relations extérieures. En
outre, la mise sur pied de l’Association des Nations d’Asie du Sud- Est
en 1987, a montré la voie à une Australie qui, sans en faire partie, y voit une
référence pour sa propre politique. Ainsi, elle présida en 1989 la création de
l’Association Pacifique de la Coopération Economique (APEC) et s’investis dés
1994 dans le Forum Régional de L’ASEAN, qui s’occupe des questions de sécurité
en collaboration avec les Etats unis et l’union Européenne.
Le schéma général de la politique étrangère indique la volonté de l’Australie
d’inscrire son action dans un cadre géopolitique régional pour mieux se
protéger contre un environnement asiatique toujours perçu comme hostile. Ses
relations bilatérales classiques, exprimées par des alliances notamment avec
son voisin Indonésien, convergent vers le même objectif.
Toutefois, si la place
prépondérante de l’Indonésie dans la politique étrangère Australienne n’a
jamais fait de doute, la fréquentation du grand voisin a toujours oscillé entre
la curiosité et la prudence, surtout depuis la fin de la colonisation
portugaise sur la province du Timor Oriental. En fait, les circonstances qui
ont entouré le départ des Portugais et la main mise quasi immédiate de
l’Indonésie sur l’ancienne colonie européenne dés le 07 Novembre 1795, restent
incontestablement pour l’Australie une source d’irritation et de regret.
Cependant, durant plus de
vingt ans, elle n’a pas hésité à construire de véritables rapports de confiance
et de partenariat avec l’Indonésie. Cette aventure bilatérale a connu son
apogée le 18 Décembre 1995 lorsque les deux pays ont signé un accord de
sécurité qui a été suivi de l’établissement d’une zone de développement
Australie-Indonésie portant essentiellement sur le développement économique
dans la région du Timor. De ce fait, par un tel accord, l’Australie a réussi à
verrouiller la question de la sécurité régionale. Mais la question du
Timor Oriental était minorée par l’accord . Ainsi, des voies radicales
dans le milieu politique contestaient l’accord. Simultanément, une conséquence inattendue de
la crise financière asiatique de 1997, va bouleverser les donnes géopolitiques
de la zone. En effet, de 1998 à 1999, les gouvernements Indonésiens se sont
succédés dans l’urgence alors que la contestation et le désordre régnaient. Le
système politique Indonésiens avec lequel l’Australie avait longtemps composée,
est soudainement en crise. Les relations Australiennes avec les pays d’Asie
Pacifique ont pris un nouveau tournant, surtout avec la chute du régime du
général Suharto.
En fait, la part prise par
l’Australie dans les événements qui ont conduit au référendum sur
l’indépendance de la province et son rôle majeur au sein de la force
multinationale INTERFET, engagée sous l’égide de l’Organisation des Nations
Unis, ont provoqué de vives tensions avec Jakarta.
Toutefois, en intervenant au Timor- Oriental, l’Australie a-t-elle affirmé ou
confirmé son rôle de principal acteur régional de la paix ? n’a-t-elle
pas, au contraire, obéré ses chances de faire fructifier des années de patients
investissements bilatéraux et multilatéraux dans sa zone d’influence ?
Avec quel soutien américain, et avec quel degré de latitude, Canberra se
trouve-t-elle, désormais, installée dans un rôle de
« gendarme » de la région ? sûrement, le masque de l’ambiguïté
et du rapprochement forcé avec Jakarta, est tombé en 1999.
Autant de questions sans véritables réponses. Non pas parce que, seul le recul
du temps, pourra apporter les éclaircissements nécessaires, mais bien en raison
de la nature même de la politique étrangère australienne, toujours
caractérisée par l’ambiguïté.
L’absence
de menaces militaires ne signifie pas que l’Australie ne connaîtra pas de
problèmes de sécurité dans la région. La brève énumération de ses sujets de
préoccupation, suffit à faire comprendre à quel point l’avenir est totalement
imprévisible, notamment sur l’éventualité d’une nouvelle agitation du côté de
l’Indonésie ou de sa région. Ce qui signifie que les capacités de ceux qui ont
en charge la politique étrangère australienne, auront souvent l’occasion d’être
mises à l’épreuve.
Ainsi donc, la divergence des intérêts des grandes puissances et l’opposition
de leurs ambitions dans la zone, s’inscrivent parmi les principaux obstacles
qui, alliés à l’absence d’un système multilatéral de sécurité collective et à
l’acharnement des rivalités régionales, entravent l’émancipation de l’Asie
Pacifique pour occuper une place prépondérante sur l’échiquier mondial.
III- Les rivalités des puissances
régionales:
L’absence
d’un système multilatéral de sécurité collective, accentue les rivalités entre
les puissances régionales émergentes dans la zone.
1- Les limites de l’ANSEA:
D’abord, à cause de ses nombreuses faiblesses, l’Organisation des Nations du
Sud-Est Asiatique, s’est avérée incapable de garantir la sécurité et la
stabilité dans la région d’Asie Pacifique.
En effet, lors de la création de L’ANSEA en 1967, les pays fondateurs ne
visaient qu’une coopération économique dans une zone de paix, de liberté et de
neutralité (ZOPFAN). Cependant, en dépit des nombreux différends bilatéraux
entre ses membres, il est devenu rapidement inévitable que l’organisation
serait concernée par les questions de sécurité.
En outre, la fin de la guerre froide a très rapidement fait prendre conscience
aux pays membres de la nécessité d’engager l’organisation en tant que telle
dans les problèmes et les différends régionaux de la zone, surtout avec les
pays tiers. De plus, avec la fin de la division bipolaire et le règlement du
conflit Cambodgien, L’ANSEA a pu s’élargir aux pays de la péninsule
indo-Chinoise pour englober le Viêt-nam en 1995, le Laos et le Cambodge en
1997, alors que Myanmar (ex Birmanie) a acquis en 1996 un statut d’observateur.
De même, L’ANSEA a acquis une dimension nouvelle et réellement globale par la
création en 1994 du Forum Régional de L’ANSEA qui regroupe dix huit
membres : les sept pays de L’ANSEA, leurs sept partenaires « du
dialogue » à savoir l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Etats
Unis, le Japon, la Nouvelle-Zélande, L’Union Européenne, auxquels s’ajoutent la
Chine et la Russie, puis l’Inde qui est devenue associée à la réunion plénière
de L’ARF dés Juillet 1996.
L’existence et la composition du Forum Régional d’Asie mettent en évidence que
la sécurité de l’Asie Pacifique ne s’inscrit plus dans une confrontation
Est-Ouest. L’interdépendance en matière de sécurité de régions éloignées sur le
plan géographique, est soulignée par la participation du Japon, de la Corée du
Sud et de la Russie dans un Forum de sécurité parrainé par L’ASEAN. Ainsi, elle
est devenue de fait la seule organisation de sécurité collective de la région,
même si elle ne dispose encore d’aucune réelle structure, ni d’un quelconque
moyen collectif, à l’image de L’O.T.A.N.
Cependant, le Forum Régional
d’Asie est aussi un aveu, de la part des Etats du Sud EST Asiatique, de leurs
propres limites et de leur incapacité à assurer, seuls, la sécurité de leur
région. Ses promoteurs ont compris qu’il n’était possible de garantir la
stabilité de l’Asie du Sud- EST qu’en la liant aux évolutions plus au Nord du
Pacifique. Le Forum Régional d’Asie
possède néanmoins ses propres limites. En effet, les Etats de L’ASEAN l’ont
conçu comme un élargissement de leur propre association. Il n’est, en aucun
cas, une organisation contraignante pour ses membres, mais seulement un Forum
consultatif reposant sur un certain pragmatisme et quelques règles
consensuelles, en apparence simples comme le règlement pacifique des conflits,
le respect des souverainetés et la non ingérence. Autre tentative d’assurer de manière
collective la sécurité de l’Asie Pacifique, demeure la volonté des membres de
L’ASEAN de faire de leur région un sanctuaire dénucléarisé. Ainsi, le 15
Décembre 1995 les représentants des sept membres de l’association, aux quels
ont été associés le Cambodge, le Laos et le Myanmar, ont signé le traité
de Bangkok instaurant une zone dénucléarisée en Asie du Sud Est. Mais ce traité
s’est heurté aux réticences et objections de la Chine et des Etats Unis. Partant, L’ANSEA et son Forum qui sont des
organisations de concertation, certainement fructueuses, n’ont pas réussi à
convenir au règlement des deux points de conflit majeur du Nord- Est notamment
celui de la Corée et de Taiwan. D’ailleurs, ni la Corée du Nord, ni
Taiwan ne sont présents au Forum. De même, Elle n’a pas réussie à résoudre
la crise récente du Timor oriental d’une manière pacifique. De ce fait, la mise en place d’un système
multilatéral de sécurité collective en Asie Pacifique, reste une tâche qui
exige du temps et surtout une plus grande maturité politique de la part de
l’ensemble des pays de la région.
2- Les rivalités Sino-Japonaises:
Ensuite, le vide stratégique généré par la fin
de la guerre froide et le retrait relatif des Etats Unis, a permis à la Chine
et au Japon d’apparaître comme deux puissances rivales. Concernant la Chine, depuis le début de la
politique des réformes économiques et d’ouverture lancée par Den xiaoping, elle
a connu un taux de croissance moyen de 10 % par an, dépassant 13% en 1993 et
11,5% en 1994. Ce progrès considérable des indicateurs économiques lui a permis
d’asseoir les bases de son influence en Asie Pacifique sur des fondations plus
solides que celles de la stricte idéologie.
Dans ce cadre, stratégiquement, depuis le milieu des années 1980, la direction
Chinoise a choisi de privilégier une logique d’apaisement de tension et
d’intégration au système mondial, conditions nécessaires à la poursuite
du développement. Den xiaoping définissait alors la stratégie du pays comme une
situation de paix à long terme qui n’excluait toutefois pas les risques de
« conflits localisés de faible intensité. Cependant, avec la disparition
de la menace Soviétique, la stratégie Chinoise dans la zone Asie Pacifique a
connu une deuxième phase. En effet, les orientations nouvelles des années 1980
n’ont pas fondamentalement changé, mais les moyens nouveaux offerts par le
développement économique pour l’armée Chinoise ainsi que le durcissement
idéologique du régime, sensible depuis 1989, ont favorisé une orientation plus
offensive des thèses développés précédemment. La logique de défense aux frontières
a ainsi débouché sur une logique offensive d’acquisition de capacité nouvelle
de forces sur le pourtour du territoire Chinois. Les objectifs de la stratégie
militaire confiés à L’Armée de Libération Populaire, consistent à éliminer
toute menace interne ou externe et à défendre un espace vital revendiqué comme
chinois à l’intérieur de « frontières stratégiques » qui ne
coïncident pas avec les frontières artificielles actuelles de la République
Populaire de Chine. Ainsi, libérée de
toute menace sur la terre, surtout avec la disparition de la menace Soviétique,
la Chine se tourne vers les mers. L’acquisition d’une capacité d’action de
haute mer est en effet considérée à Pékin comme le véritable critère
d’appartenance au clan des grandes puissances, et le symbole de l’affirmation
de la puissance chinoise dans la région d’Asie Pacifique.
Dans cette optique, les autorités chinoises ont adopté un plan stratégique de
développement et de la modernisation des capacités de protection des forces,
notamment celles des forces navales et aériennes. Dans ce contexte, elle s’est
dotée en 1995 de 40 sous marins, alors que l’armée de l’air a été renforcée de
24 chasseurs Russes
qui s’ajoutent aux 26 avions déjà acquis en 1992.
D’autre
part, de leur côté, les Japonais tentent de se débarrasser des clauses
d’armistice de 1945 qui limitent leur liberté d’action, afin d’affirmer leur
présence dans la zone d’Asie Pacifique. En effet, à la fin de la seconde guerre
mondiale, la politique de défense japonaise a été solidement encadrée par
l’article 9 de la constitution et par le traite de sécurité avec les Etats
Unis. Le premier lui interdisait de participer à un système de défense
collective, et le second le plaçait de fait sous la protection américaine, et
ne lui reconnaissait le droit qu’à des forces d’auto défense très contrôlées. Cependant, l’évolution de la situation durant
la guerre froide et surtout, le spectaculaire décollage Japonais, l’amenant au
niveau de la deuxième puissance économique mondiale, ont tous naturellement
conduit ce pays à prendre de plus en plus en compte ses responsabilités dans la
zone d’Asie Pacifique et dans sa dimension internationale. Ainsi, il a décidé
en Mai 1981 d’étendre son périmètre de défense naval à 1000 milles
marins. Puis, en Décembre 1986, il a abandonné le principe de limitation de son
budget militaire à 1% de son P.N.B. Aussi, son budget de défense est-il devenu
le deuxième du monde. Les forces armées Japonaises sont, et de loin, les
premières de la zone et se caractérisent en particulier par le très haut niveau
technique de leur équipement.
En fait, avec la fin de la bipolarité, plusieurs raisons justifient ce
réarmement. D’abord, la nécessité de paraître puissant face à
l’éventualité d’une réunification de la Corée, qui unie et forte, pourrait
devenir un rival dans tous les domaines. Ensuite, la volonté de maintenir un
équilibre avec une Chine qui cherche à affirmer sa puissance. Dans ce contexte,
la conviction d’un Japon fort, aurait une influence dissuasive sur l’évolution
du problème de Taiwan, sur la sécurité des voies de communication maritimes
vitales pour son économie et sur une inévitable négociation avec la Russie pour
la récupération des îles Kouriles.
De
surcroît, jusqu’à nos jours, les forces Japonaises navales et aériennes,
quoique très importantes, sont surtout équipées en vue d’assurer la
surveillance et la défense, à l’exclusion de toute capacité de projection de
forces notamment aéronavales. Il est certain qu’une accession de la Chine à de
telles capacités par l’acquisition de porte-avions, risquerait fort d’amener le
Japon à faire de même. Toutefois, outre qu’elle fragiliserait davantage
l’équilibre de la zone, une telle décision risquerait fort aussi de réveiller
dans les autres pays des souvenirs que les timides regrets officiels japonais
n’ont pas complètement effacés, d’autant que, sans que l’on puisse parler d’une
renaissance du militarisme japonais, on doit reconnaître qu’au sein même de la
population, la conscience et la fierté de la réussite et de la puissance
japonaise, n’ont pas manqué de créer un nationalisme sans complexe.
C’est dans ce contexte qu’il faut évaluer l’accord américano-japonais signé par
le président Clinton et le premier ministre Hashimoto le 15 Avril 1996 qu’on a
surnommé « Alliance pour le XXI siècle » qui d’après le communiqué
commun ne vise plus la seule défense du Japon, mais la stabilité
régionale ». En fait, cet accord, qualifié par tous les spécialistes
« d’événement le plus important depuis 1945 dans les relations Etats Unis-
Japon », est une première entorse à l’article 9 de la constitution en
définissant une véritable coopération militaire entre les deux pays. C’est
aussi, la seule organisation militaire de la zone Asie Pacifique. Ainsi, le
Japon n’est plus un acteur passif se contentant d’accueillir les forces
américaines (évaluées actuellement à 47 000 hommes dans
l’archipel), mais il est devenus un partenaire à part entière susceptible de
participer avec les Etats Unis au maintien de la paix dans le pacifique.
3- Les rivalités Indo-Chinoises:
Enfin, la zone Asie Pacifique demeure fragilisée par les relations antagonistes
entretenues par la Chine et l’Inde depuis plus de trois décennies.
En effet, au conflit territorial de 1962 portant sur la délimitation de la
frontière entre les deux pays au Tibet, s’est ajoutée au début des années 1960
une rivalité idéologique. Ainsi, un an à peine après leur affrontement dans
l’Himalaya, l’Inde et la Chine se sont retrouvées apparentées à chacun des
blocs opposés de la guerre froide. En outre, l’asile politique accordé par
l’Inde au chef spirituel Tibétain Dalai-Lama, a été un contentieux
supplémentaire entre les deux pays. La rivalité entre l’Inde et la Chine
Populaire dépasse largement le cadre strictement militaire. En effet, portant
sur le statut de puissance régionale, voire de puissance emblématique de l’Asie
à l’échelle mondiale, elle se place dans le domaine stratégique.
L’Inde entend tirer des leçons de la stature régionale de la Chine. Cette
dernière constitue un objectif mais non un modèle. Crainte par ses voisins
immédiats avec lesquels l’Empire du Milieu a traditionnellement entretenu des
relations de vassalité notamment la Corée et le Viêt-nam, comme par les autres
Etats asiatiques, la Chine est considérée par tous les pays de la région comme
la principale menace pesant sur leur sécurité. Or, l’Inde entend être un des
pôles de puissance et d’influence en Asie Pacifique, aux côté de la Chine et du
Japon, sans susciter les mêmes réactions de méfiance que ces deux
derniers : La première en raison de sa puissance future, le second à cause
de son passé militariste. Ainsi, son premier objectif est d’être la puissance
dominante, mais non hégémonique. Cependant, la réalisation de ce premier
objectif, dépend d’abord de sa capacité à entretenir de bonnes relations
avec ses voisins asiatiques. Dans ce
cadre, elle a amorcé depuis 1997 une nouvelle politique étrangère envers les
Etats d’Asie du Sud reposant sur les principes de bon voisinage. Cette
politique a rapidement donné d’excellents résultats particulièrement avec le
Bangladesch et le Sri Lanka. Cependant, la relation bilatérale la plus
difficile reste celle entretenue avec le Pakistan.
Le
réchauffement avec ce dernier, se heurte au soutien de la Chine Populaire aux
programmes nucléaires et balistiques pakistanais, notamment par la vente
d’avion de combat, des pièces pour les missiles balistiques moyenne portée,
l’assistance technique et la vente d ‘anneaux magnétiques destinés à
l’enrichissement de l’uranium. Le soutien chinois au Pakistan contribue, en
effet, à renforcer la position de ce pays par rapport à l’Inde et, partant, à
affaiblir cette dernière par rapport à la Chine en l’obligeant à faire face à
deux fronts.
Toutefois, pour ne pas faire le jeu de cette dernière, l’Inde refuse de
confiner le champ de son influence au seul sous-continent, ce qui, d’ailleurs,
serait contraire à ses intérêts économiques. Ainsi, New Delhi a entrepris de
renforcer ses relations avec les Etats d’Asie du Sud-Est. Politiquement
et stratégiquement, il s’agit de souligner la contribution de l’Inde à la
stabilité de la région en tant que contrepoids à la Chine. En fait, l’Inde
tente de dissiper les craintes des Etats d’Asie du Sud-Est envers sa puissance
militaire en attirant leur attention sur les ambitions hégémoniques Chinoises.
De plus, économiquement, l’objectif est de multiplier les liens avec les
économies dynamiques de la région, malgré les conséquences de la crise
financière de 1997, afin d’accélérer son propre développement.
Par ailleurs, au cours de l’Automne 1995, à l’occasion de la préparation d’un traité
de dénucléarisation de l’Asie du Sud Est, couvrant le territoire de dix pays,
les Etats de la région ont pris conscience de leur proximité géographique avec
l’Inde, puissance nucléaire qu’ils ont négligée jusqu’alors dans leurs analyses
sur la sécurité régionale. En 1996, la décision de l’inclure comme partenaire
du dialogue au Forum Régional d’Asie (A.R.F), au côté de la Chine, constitue la
traduction de cette prise de conscience et marque un premier pas vers une plus
grande intégration de l’Inde en Asie Pacifique. Cependant, là aussi, l’Inde se
heurte à l’omniprésence chinoise. La Chine entretenant, ainsi, une relation
privilégiée avec deux pays frontaliers de l’Inde, suscite chez cette
dernière un sentiment d’encerclement. Dans le même sillage, du succès de
ses initiatives régionales, dépendra le statut mondial de l’Inde, ce qui
constitue, son deuxième objectif stratégique. Néanmoins, pour être reconnue
comme un pôle de puissance à l’égale de la Chine, New Delhi estime qu’il lui
faut démontrer sa capacité à assurer seule sa propre défense, a en choisir les
moyens les plus adaptés sans céder aux pressions occidentales en général et
américaines en particulier, ni renoncer définitivement à son programme
nucléaire ou balistique. Dans ce cadre, elle refuse de signer les traités
d’interdiction des essais nucléaires ou de la non prolifération, en avançant
qu’elle est le seul pays au monde confronté à deux états nucléaires à savoir le
Pakistan et la Chine. Elle estime aussi que les autres puissances nucléaires,
doivent prendre des engagements fermes en vue de réduire leurs arsenaux
nucléaires. De même, les responsables indiens s’inquiètent de la modernisation
militaire chinoise. En effet, les dépenses militaires de Pékin ont augmenté de
26% entre 1988 et 1995 et s’élevaient à 24 milliards de dollars, alors que
celles de l’Inde baissaient de 20% pour atteindre 7,6 milliards de dollars. En
fait, n’ayant pas acquis de systèmes d’armes majeur depuis 1990, l’Inde a
entrepris depuis 1996 un effort de modernisation de ses armées en s’appuyant
sur la Russie. Cependant, cet effort reste très insuffisant par rapport à celui
de la Chine, entrepris depuis longue date et de manière obscure. En revanche,
si à l’instar de la Chine, l’Inde a une relation difficile avec les Etats Unis
à cause de son refus de signer les engagements internationaux sur les
questions nucléaires. Toutefois, pour obtenir un brevet
d’«asianité » et de respectabilité sur la scène internationale,
l’Inde s’appuie sur le Japon qui offre le double modèle, d’un pays qui a
économiquement réussi sans renier ses particularités culturelles. Ainsi, une
alliance tacite avec le Japon, pourrait seule permettre à l’Inde de constituer
un contrepoids à la Chine, en jouant de la rivalité Sino-Japonaise pour la
suprématie en Asie Pacifique. Aussi, tant que l’Asie Pacifique n’a pas réussi à
instaurer un système multilatéral de sécurité collective et à réduire les
rivalités de ses membres, elle ne peut pas se positionner comme un pôle
géopolitique prépondérant, surtout que cette ambition reste affaiblie par la
multitude des conflits territoriaux qui la fragilisent davantage.
IV- La complexité des differends
territoriaux :
La complexité des contentieux territoriaux, contrarie l’essor géopolitique de
la zone Asie Pacifique.
1- La péninsule Coréenne:
D’abord, la péninsule Coréenne constitue le lieu de l’Asie Pacifique où, le
risque d’une épreuve de force menace constamment la stabilité de la région.. En
effet, presque un demi siècle après la fin des combats, la guerre de Corée
n’est pas officiellement terminée. Les risques de conflit sont toujours
présents et avivés par la présence américaine dans la péninsule. La course aux
armements que mènent les deux Corées, demeure un autre facteur déstabilisateur
de la zone Asie Pacifique. De ce fait,
la crise nucléaire de 1993- 1994 a rappelé à quel point la Corée reste un lieu
de tension. La question était de s’assurer si la Corée du Nord possédait
vraiment la bombe. Le 12 Mars 1993, sommée d’accepter l’inspection de ses installations
nucléaires, Pyonyang annonçait qu’elle se retirait du traité sur la non
prolifération, provoquant une crise qui ne prendrait fin qu’avec l’accord
international du 21 Octobre 1994, portant sur la modernisation de son programme
nucléaire. Entre-temps, la pression était suffisamment montée, avec une
psychose de guerre et de déploiement de missiles anti-missiles PATRIOT en Corée
du Sud. Depuis lors, le dialogue entre les deux frères ennemis, s’est amorcé
mais timidement, dans la mesure où de nombreux différends entravent la
réconciliation entre les deux Corées.
De ce fait, après le sommet des deux présidents coréens en Juin 2000, précédé
par l’échange de visite de haut niveau, les consultations ont tourné à propos
du problème le plus épineux et qui complique tout rapprochement durable entre
les deux pays de la péninsule à savoir, comment réduire la confrontation
militaire entre le Nord et le Sud.
Cette
question est délicate car elle concerne directement les Etats Unis qui
disposent de 37 000 soldats et de 100 avions de combat stationnés en Corée du
Sud. Ainsi, avec ‘le parapluie nucléaire’ qu’ils déploient au dessus du Sud,
ils font pencher le rapport de forces en faveur de Séoul. Washington refuse de
discuter cette hypothèse en affirmant que la présence américaine dans la
Péninsule est non seulement dissuasive, mais importante pour la stabilité de
l’ensemble de la zone Asie Pacifique. Mais cette analyse occulte une dimension
importante. En fait, la Corée du Nord a de réelles préoccupations en matière de
sécurité, à cause de la présence des Américains et de leur supériorité
technologique. Pour cela, elle se sent vulnérable à des frappes préventives
américaines.
Dans cette optique, elle utilise ses missiles comme une arme de dissuasion
contre toute menace éventuelle. Aussi, le prix de leur élimination devrait être
accompagné de plus fortes réductions des forces conventionnelles américaines,
ainsi que des concessions en matière de « parapluie nucléaire ».
D’autre part, un autre différend plus complexe oppose les deux parties. En
effet, l’armistice de 1953 doit être remplacé par un traité de paix. Toutefois,
les deux parties sont encore embourbées dans une impasse de procédure qui masque
les questions les plus fondamentales. Washington et Pyongyang divergent non
seulement sur le remplacement des procédures d’armistice, mais aussi sur le
fait de savoir s’ils faut les remplacer avant ou après que la Corée du Nord ait
retirer ses forces conventionnelles déployées en premières lignes.
En effet, les signataires de l’armistice de 1953, étaient la Corée du Nord, la
Chine et le général Américains Mark. w. Clark agissant au nom du Commandement
des Nations Unies qui avait fourni une couverture multilatérale à
l’intervention américaine dans le conflit. Ainsi, Pyongyang réclame un traité
de paix américano-Nord Coréen pour remplacer la trêve. Mais Washington et Séoul
exigent l a signature du traité par les deux Corées. Bien plus, les Américains
prétendent qu’ils ne sont pas partie de l’accord de 1953, parce que le général
Clark, bien qu’il soit américain, l’avait signé au nom du Commandement des
Nations Unies.
En fait,
les manœuvres américaines s’expliquent par des considérations politiques. Au
fond, elles révèlent une inquiétude énorme du Pentagone, dans la mesure où la
normalisation des relations avec la Corée du Nord et le remplacement des
clauses d’armistice, pourraient mettre en péril la présence militaire
américaine en Corée, et pourraient aboutir, d’autre part, à une Corée
réunifiée. Cette dernière, forte de 220 000 Km2 et d’environ 70 millions
d’habitants, associant les ressources du Nord, le potentiel industriel du Sud
et la formidable détermination nationale de tous les Coréens, pourrait constituer
un pôle de puissance susceptible de changer la donne géopolitique dans la
région. Partant, en attendant que les Etats Unis rompent les impasses et
engagent l’ensemble de la péninsule dans l’ère de l’après- guerre froide, le
chaud et le froid continuent à souffler sur la région.
2- La question de Taiwan:
La question de TAIWAN constitue aussi un
problème épineux qui menace la stabilité de la zone Asie Pacifique.
En effet,
située à mi-chemin de la Corée au Nord et de L’ASEAN au Sud, l’Ile de Taiwan
pourrait bien se trouver un jour dans l’œil du cyclone. Le problème demeure
toujours celui de la réunification. Depuis 1949, ce différend reste sans issue.
Ainsi, si pour Mao, la libération de TAIWAN par la force était une question qui
relevait des affaires intérieures chinoises, le point de vue du Général
Tchang Kai Chek était du même ordre, puisque ce dernier prétendait reconquérir
le continent par une action militaire. Cependant, après les crises de 1954 –
1955 et 1958 où Mao avait échoué dans son entreprise de reconquête, les deux
Chines ont vécu dans l’idée acceptée, à Pékin comme à Taipei, qu’aucune des
deux parties n’abandonnerait l’objectif ultime de réunification. Cette
situation de statu- quo, gage de stabilité politique, a permis à Taiwan
un développement économique spectaculaire traduit par un taux de croissance
annuel de 8%. Aujourd’hui en revanche, s’il est vrai qu’en Chine populaire le
mythe de la réunification recouvre encoure une réalité qui s’exprime parfois
brutalement et sans avances avec l’appui de la grande majorité du peuple,
toujours soumis à la propagande du pouvoir central, il n’est pas sûr qu’ à
Taiwan, il correspond encore aux vœux des habitants qui, probablement,
envisagent l’hypothèse d’une Chine réunifiée comme une éventualité très
lointaine. En fait, comme le mythe de la réunification de la Chine par la force
avait servi de base au pouvoir des nationalistes, celui de l’indépendance de
Taiwan , qui s’appuyait sur l’identité Taiwanaise, allait constituer le
fondement politique d’un mouvement d’opposition interne regroupant les
Taiwanais de souche, lassés du pouvoir sans partage du Parti de Tchang – Kaï
–Chek dont l’hégémonie fut progressivement ébranlée par l’ampleur de la
contestation. Cette dernière poussa le président Lee Ten- hui, un natif de
l’île, qui succéda Jiang Jing-guo en Janvier 1988, à faire des concessions
majeures à la sensibilité taiwanaise de la population.
En outre, favorisé par l’ouverture politique, soutenu par une classe moyenne de
plus en plus nombreuse, le mouvement indépendantiste (Parti pour le progrès
Démocratique) élabora un programme de rupture avec le mythe de la réunification,
prônant l’établissement d’une République de Taiwan et affirmant la naissance
d’une identité particulière de l’île, plus taiwainaise que chinoise. Plus encore, la force du mouvement et
l’influence de plus en plus grande des Taiwanais de souche dans la vie
politique, contribuèrent à infléchir la politique étrangère de Taipei qui se
caractérise depuis le début des années 1990 par une résistance de plus en plus
affirmée à Pékin et à son principe de réunification, jugé inacceptable par les
Taiwanais, puisqu’il relègue l’île au rang subalterne de province. Ainsi,
Taiwan milite avec beaucoup d’ambiguïté pour que la communauté internationale
reconnaisse l’île comme une entité politique d’un rang équivalent à celui de
Pékin. Pour cela, elle continue à poser le problème de sa représentation aux
Nations Unis et s’efforce de figurer à un niveau de plus en plus élevé dans les
forums internationaux. Cependant, cette politique se heurte aux initiatives de
Pékin qui fait pression sur la communauté internationale pour endiguer les
démarches Taiwanaises. Dans cette optique, en 1992, la Chine communiste fait
obstacle à l’admission de l’île au GATT sans hésiter à déclencher une crise
diplomatique en 1995 lorsque les Etats unis ont accordé un visa au président de
l’île monsieur Lée teng- Hui pour une visite privée.
La perception de Pékin est que Taiwan évoluerait vers une indépendance de fait
et que les relations entre les deux Chines se modifieraient progressivement,
échappant ainsi au schéma voulu par « L’empire du Milieu », pour
s’orienter vers une relation entre Etats. Cette crainte s’est brutalement
exprimée en 1995, à la veille de la 1ère élection au suffrage
universel, pour dissuader les Taiwanais à ne pas voter pour leur bête noire Lee
Teng-hui, accusé de dérives indépendantistes, en effectuant des exercices à tir
réel et en lançant des missiles balistiques bloquant la navigation dans le
détroit.
Ainsi, la démonstration de force, par laquelle Pékin a affirmé sa détermination,
malgré l’intervention de la marine américaine, les réactions relativement
mesurées du reste de la communauté internationale, tout comme les dommages
causés par la crise à l’économie taiwanaise, ont fait apparaître le caractère
irréaliste et dangereux du mythe de l’indépendance de Taiwan. Elle a montré
aussi, à quel point les relations entre Pékin et Taipei, dont les positions
politiques sont aujourd’hui incompatibles, sont délicates et fluctuantes.
Toutefois, même si les perspectives restent brouillées du fait des incertitudes
politiques qui règnent dans les deux blocs, il est peu probable que les crises
qui pourraient encore surgir, malgré l’élection du nouveau président taiwanais
monsieur Chen Shui, provoqueraient un dérapage majeur. Ainsi, sauf modification
brutale des rapports de forces, cette situation devrait se prolonger et
continuerait à constituer l’un des points chauds de l’Asie Pacifique.
3- La mer de Chine méridionale :
Compte tenu de son
indéniable importance stratégique, la mer de Chine méridionale fait l’objet de
multiples revendications de l’ensemble des pays reverrais, accentuant ainsi la
fragilité de la zone Asie Pacifique.
En effet, le 25 Février 1992, la parlement chinois a adopté une loi maritime
qui place la plus grande partie de cette mer sous sa souveraineté. Cette
décision unilatérale a alimenté , depuis lors, des rumeurs de conflits ;
car tel qu’il a été défini par la nouvelle loi, le territoire chinois comprend
désormais les îles Senkaku, Parcel et Spratly. L’ensemble couvre la plus grande
partie de la mer de Chine méridionale et de ses ressources. Sur le plan juridique, les revendications
chinoises restent imprécises. Ainsi, pour les légitimer, la Chine s’appuie sur
l’étendue de son plateau continental et sur « des raisons
historiques » qu’elle refuse d’expliciter.
Par
ailleurs, les prétentions chinoises paraissent volontairement vagues sur le
plan géographique. En fait, l’étendue revendiquée comprend des zones
d’exploitation et des installations contrôlées par l’Indonésie, la Malaisie et
le Philippines . Réellement, la Chine entend asseoir sa puissance
dans la région pour plusieurs raisons. D’une part, historiquement, la mer de
Chine du Sud cristallise la fragilité de la défense chinoise. C’est par là que
les puissances occidentales vinrent contrôler la région au XIX siècle, que les
nationalistes échappèrent aux forces révolutionnaires et qu’Américains et
Soviétiques assirent leur domination régionale pendant la guerre froide. De ce
fait, le contrôle du flanc Sud commande la sécurité de la République Populaire de Chine. En outre, la mer de
Chine du Sud communique dans le Sud –Ouest avec l’océan Indien par les détroits
Malais et Indonésiens. Les eaux territoriales des îles spartly commandent le
trafic maritime, notamment pétrolier, par le détroit Malacca entre le Proche
Orient et le Japon. Ces îles sont, donc, situées sur l’une des
principales artères du commerce maritime mondial. En 1995, transitait de chaque
côté de l’archipel, un quart de commerce maritime mondial. De ce fait, la
Chine exercerait un contrôle non seulement sur les voies maritimes, mais aussi
sur le dense réseau des lignes aériennes survolant la région.
D’autre part, le sous- sol de l’archipel recèle des réserves d’hydrocarbures
estimées par les Chinois à 205 000 milliards de barils d’équivalent pétrole
(B.E.P). De ce fait, la bataille fait déjà rage entre Vietnamiens et Chinois
par Compagnies pétrolières interposées. La situation énergétique respective des
deux pays éclaire la véritable portée de ce contentieux.
Pour Hanoï,
l’exploitation et l’exportation d’hydrocarbures sont au cœur de sa
reconstruction économique. Représentant 12% des investissements étrangers
depuis 1988 et près d’un tiers des exportations, le pétrole compte parmi les
principales sources de revenus. Or, le plateau continental Vietnamien, en
grande partie revendiqué par les Chinois, contient des réserves de
pétroles évaluées entre 3 et 5 milliards de barils.
De même, en Chine les ressources énergétiques conditionnent le développement
industriel. Les gisements exploités sur son sol s’épuisent et la production de
pétrole ne répond plus à la demande que génère une croissance économique
annuelle de 10% en moyenne depuis dix ans. Dans cette optique, s’illustre
l’enjeu que constitue, pour Pékin, l’exploitation de nouveaux gisements dans
les Spratly.
Cependant, la tentative de Pékin de mettre la main sur les hydrocarbures de la
mer de Chine méridionale, pourrait finir par l’opposer à presque tous les Etats
riverains. Les revendications chinoises couvrent par exemple les îles
Indonésiennes Natuna, et singulièrement le gisement de gaz du même nom situé à
250 Kms au Nord- Est de ces îles. C’est l’un des plus importants gisements du
monde évalué à 137 000 milliards de mètres cubes.
La menace verbale de Pékin de recourir à
la force pour défendre sa souveraineté, s’ajoute encore aux incertitudes. En
fait, non seulement, l’Armée
Populaire de Libération (APL) multiplie ses opérations depuis le début 1990,
mais elle intervient de plus en plus vers le Sud de la mer de Chine
méridionale. La Chine occupe ainsi
militairement huit îlots de l’archipel. Elle n’est pas la seule d’ailleurs, car
le Viêt-nam en occupe une vingtaine, les Philippines, huit, la Malaisie, trois
et Taiwan, un.
En outre, le conflit plonge les Etats
Unis dans contradictions flagrantes. D’un côté, les contraintes budgétaires et
le non interventionnisme, les conduisent à se replier sur des positions
militaires traditionnelles. De l’autre, la présence dans la région de
nombreuses compagnies pétrolières américaines, les incertitudes du
transport militaire, la volonté de contenir les ambitions chinoises et les
sollicitations des pays d la région, les contraignent à intervenir dans le
débat. Mais faute de trancher entre tant d’impératifs, Washington joue sur tous
les tableaux : les pressions commerciales et la manipulation de la
question Taiwanaise, se combinent avec les gestes militaires.
Par
ailleurs, depuis la fin des années 1980, c’est aux Indonésiens qu’on doit la
plupart des efforts de médiation. N’ayant aucune revendication sur les îles de
l’archipels, Jakarta organisait des rencontres annuelles pour discuter les
moyens susceptibles « d’éviter un potentiel conflit en mer de
Chine ». Cependant son initiative subit de rudes secousses. En fait, en
1993, l’Indonésie perd sa neutralité en s’apercevant que la ligne de
revendication Chinoise intégrait les îles Natuna. En 1994, les Chinois n’ont
pas hésité à installer une nouvelle borne de souveraineté sur le récif Da Lac.
Les relations Sino- Philippines se sont détériorées en 1995 à la suite de la
découverte de nouvelle installations militaires Chinoises sur le récif
Mischief. Actuellement, le moindre récif
de ces îles grouille de soldats. Les parages de l’archipel sont sillonnés par
des navires de guerre, surveillés par les avions bourrés d’électroniques
et des satellites espions. La recherche d’une solution globale n’a pas
évolué. Cependant, les autorités chinoises ne manquent pas de rappeler qu’elles
sont prêtes à employer la force pour faire respecter leur souveraineté.
Ainsi, tous les ingrédients d’un conflit semblent donc réunis. Le retour de
Taiwan et sa réunification avec Pékin, représente un enjeu de taille pour
« l’empire du Milieu », le contentieux coréen alimente l’escalade et
les rivalités sur le pétrole de la mer de Chine méridionale, accentuent les
divergences entre la majorité des pays en instaurant une ambiance d’insécurité
et d’instabilité dans la zone d’Asie Pacifique.
Conclusion
En
somme, en raison de ses fortes potentialités et de ses capacités de
redressement économique, l’heure de l’Asie Pacifique pourrait alors vraiment
sonner à l’horloge de la croissance. Cependant, elle n’est pas en mesure de
s’affirmer en tant qu’un pôle géopolitique majeur, au moins pour le court et le
moyen terme. En effet, elle est loin d’avoir atteint son équilibre et sa
maturité politique. L’avenir est encore incertain. La région est à la merci des
influences des grandes puissances, et surtout de celle de ses membres les plus
turbulents dont les querelles et les rivalités, pourraient non seulement
ralentir le processus de modernisation et de développement entrepris ces
dernières années, mais aussi de fragiliser la stabilité et la sécurité de la
zone en limitant ses ambitions.
Par ailleurs, dans cette région du monde en pleine croissance économique,
la Chine et le Japon sont déjà les véritables compétiteurs pour la suprématie
du futur. Toutefois, sur le chemin du Leadership politique se dresse «
l’Empire du Soleil Levant», dont la position s’est encore affirmée depuis son
alliance pour le XXI siècle avec les Etats- Unis, et qui a remis en cause la
hiérarchie des puissances issues de la seconde guerre mondiale. En outre, la
constitution d’un axe d’intérêt commun entre Tokyo et le monde non chinois, et
le plus grand engagement du Japon sur la scène politique internationale parait
aujourd’hui répondre à la montée en puissance d’une Chine plus inquiétante et
plus menaçante.
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